Yvonne Fontaine-Godard

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YVONNE FONTAINE-GODARD

Née Fontaine,  le 22 janvier 1952

À Richer, Manitoba

Je m’appelle Yvonne Fontaine-Godard et je suis née le 22 janvier 1952 à Richer. J’ai grandi à Richer et j’y suis retournée plus tard dans ma vie. Richer est un lieu très important pour moi.

Mon grand-père paternel est venu de France dans les années 1800. En passant par les États-Unis, il se trouva une blonde du nom de Dolorès Choquette et ils se sont établis dans la région de la Rivière de la Paix en Alberta. Mon père, Edouard Fontaine, est né là en Alberta. À l’âge de 16 ans, il s’est construit une motocyclette et est parti vers l’est. Mon père a abouti à Sainte-Anne où il a commencé à travailler pour un garagiste. C’est là qu’il a rencontré ma mère. Il avait 39 ans lorsqu’il s’est marié.

Ma mère, Rita Hupé, est née à Richer. De son côté, sa mère est métis : ma grand-mère était une Vandale. Les métis aiment être ensemble. La famille est importante pour nous et l’a toujours été.  On s’entraide. On se rencontre pour fêter les anniversaires et les jours spéciaux.

Mes parents étaient de courtes personnes. Ma mère mesurait 4 pieds 2 pouces.  Elle était grande comme une poupée.  Mon père mesurait 5 pieds 4 pouces.  Maman a donné naissance par césarienne à 9 enfants dont un set de jumeau.  Donc environ la moitié de mes frères et soeurs est très courte et cela a occasionné des défis à travers les années. Nous étions cinq garçons et quatre filles dont je suis la troisième.

J’ai vraiment aimé vivre à Richer : on se connaissait tous. La vie était simple. Tout le monde était pauvre. On n’avait pas d’argent et on ne sortait pas comme on le fait aujourd’hui. Mon père était mécanicien et ma mère travaillait fort dans la maison à faire le « cannage » et la lessive. Mon père avait construit lui-même un vieux camion avec seulement deux places. Deux places pour les parents qui allaient visiter la famille, pendant que les enfants, nous restions à la maison. Tous les enfants devaient aider et à mon avis, c’était une bonne façon d’élever les enfants. Les enfants préparaient les repas. Je faisais du pain à 10 ans. Ma mère nous a montré comment préparer les repas. C’est d’elle que j’ai appris comment faire la cuisson. J’aime beaucoup préparer des repas. 

On s’entraidait beaucoup. On allait garder chez les voisins. Ma mère nous envoyait chez les voisins prendre soin des vieillards. Elle nous disait toujours : « Prenez soin des vieillards ». Comme vous le verrez, ça m’est toujours restée cette idée de prendre soin des vieillards.

Ma mère ne parlait pas un mot d’anglais. On allait une fois par mois faire l’épicerie à Steinbach. Ma mère m’amenait souvent car j’étais plus grande qu’elle.  Je pouvais porter les paquets et je parlais l’anglais. Mon père parlait l’anglais. Quand je l’aidais dans le garage, on se parlait en anglais.

Richer avait une population d’environ 800 personnes. J’ai toujours pensé que l’école de Richer avait été agrandi par rapport à notre famille. Ma mère avait neuf sœurs et la plupart d’elles vivait autour de Richer. Chacune de ses sœurs a eu neuf enfants. J’avais plein de cousins et cousines, tous environ du même âge, avec qui je suis allée à l’école. Quand il y avait des piqueniques de famille, on devait être au moins une centaine de personnes!

Je suis allée à l’école secondaire de Sainte-Anne pendant quelques années. C’était différent et un peu dépaysant. Comme on ne quittait jamais Richer, arriver dans un autre village, c’était vraiment quelque chose! Mais je n’ai pas fini le secondaire parce que je me suis mariée jeune, à l’âge de 16 ans, avec Samuel Hupé.

Yvonne Fontaine-Godard, 1965. Collection privée. 

Mon mari Samuel travaillait pour l’usine de l’Abitibi alors nous avons déménagé à Powerview. Powerview pour moi, c’était comme arriver sur une autre planète.  Je ne connaissais que quelques personnes et je n’avais pas de support.  Au début c’était tout nouveau tout beau mais c’est vite devenu difficile : j’avais 22 ans et quatre enfants. Je n’avais pas de permis de conduire et je me sentais en prison.  Alors on a déménagé plus proche de ma parenté et je me suis sentie mieux pendant un temps. Mais il a fallu déménager loin encore plusieurs fois car mon mari suivait son emploi. Moi, je n’avais pas d’emploi : je prenais soin des enfants. Un bon jour, j’ai dit à mon mari que je voulais retourner au Manitoba et même s’il ne venait pas, moi j’y allais avec les enfants. Nous étions en Alberta et nous avons tous déménagé à Saint-Boniface, et par après, à Lorette. En 1980, nous avons acheté un terrain à Richer et on y a fait construire une maison. Je voulais retourner à mes racines et j’y vis depuis ce temps. 

J’ai eu la chance de trouver du travail à la Villa Youville à Sainte-Anne en tant qu’aide-infirmière en 1979. La Villa Youville m’a offert une formation dans ce domaine et j’ai été très contente de travailler avec les aînés. Après quelques années, mes enfants grandissaient et j’ai pu prendre des cours en nutrition. Pareille à ma mère, j’aime faire la cuisson. Avec l’encouragement de Maria Chaput qui était assistante à la direction de la Villa Youville et un ange pour moi, j’ai eu mon diplôme en nutrition. C’est la Villa qui a payé mes cours et j’en serai toujours reconnaissante. Je me sentais valorisée et quand on se sent valorisée on donne son 100%. J’ai été cuisinière en chef à la Villa Youville pendant trente ans. J’ai beaucoup aimé travailler là. Je me sentais acceptée et toujours bien traitée par les employés et l’administration. En travaillant avec les résidents, je les  voyais vieillir. Je leur disais : « Viens, on va faire des croûtes de tartes. Viens m’aider à éplucher des patates cette après-midi. » Ils se sentaient utiles. C’est un travail qui m’a beaucoup marquée.

Je me suis divorcée en 1997 et en 2002 j’ai épousé Roger Godard avec qui j’ai fait de beaux voyages surtout dans les Caraïbes. 

J’ai pris ma retraite en 2004 et après deux ans j’étais tannée de me reposer. Il y avait un comité qui travaillait pour conserver l’église de Richer, fermée depuis 1997. Dans son temps, l’église pouvait contenir 330 personnes. Le comité a fait appel à la communauté pour qu’une relève prenne charge du projet de la conservation de l’Église.  J’ai décidé d’aller à la rencontre et j’en suis sortie présidente.  Je suis présidente depuis 2005. Je pensais que ce ne serait pas plus qu’une rencontre par mois, mais on est vraiment très occupé.  On a initié une étude pour voir si ça valait la peine de conserver l’église. Une fois qu’on a compris que oui, ça valait la peine, l’Archevêché nous a aussi appuyé dans nos efforts de conservation. 

On a commencé en 2008 par refaire le toit, un côté à la fois : cela a pris quatre ans. C’est le plus gros projet de rénovation que nous avons entrepris jusqu’à date. Refaire le toit a coûté 220, 000 dollars et ça n’a pas dérougi depuis 2008.  Nous avons reconnu nos donateurs pour le projet du toit ainsi : « Donnez cent dollars et on mettra votre nom sur une plaque sur le toit. »  Dans le sous-sol, on avait besoin de mettre seize nouveaux poteaux : « Donnez cent dollars et on met votre nom sur le poteau. » Ensuite, c’était le temps de renouveler les fenêtres, ce qui nécessitait de la « grosse argent » encore une fois.  On a fait des ventes d’artisanat et toutes sortes de levées de fonds. Et il y avait la cave et la cour à nettoyer, l’électricité à refaire, le clocher à peindre. C’est cher chauffer cette grosse église!  Nous avons deux fournaises électriques. Cette année on refait le mur du sous-sol, on nivelle le plancher et on met un beau prélart dedans. Il y a aussi la fondation en dehors à réparer. Les rénovations sont à 90% terminées. Je resterai jusqu’à ce que toutes les rénovations soient complétées. J’adore mon travail de bénévole avec le Musée et je vais continuer à y travailler tant que je peux.  

Yvonne Fontaine-Godard, 2012. Collection privée.

En 2014, l’église a été transformée en musée et devint Le Musée Dawson Trail. Il y avait une petite maison à côté, celle des sœurs de Saint-Joseph, parties en 1995. Le comité voulait aussi cette maison. En 2018 on a acheté l’église de l’Archidiocèse de Saint-Boniface pour un dollar symbolique. Le terrain, de treize acres, a été subdivisé en trois lots de deux acres qui ont été vendus. Le musée de l’église est situé sur une acre. Le cimetière, d’une grande valeur historique, appartient au diocèse et c’est un comité de Sainte-Anne qui s’en occupe.

Il faut que je dise que ma mère est la femme qui a eu le plus d’influence dans ma vie. Elle était une grande dame, même si elle ne mesurait que quatre pieds deux pouces. Elle m’a donné la force et le courage d’accomplir ce que j’ai fait de ma vie. Elle nous disait que le travail devait être bien fait et qu’on devait finir ce qu’on avait commencé. Et il y a aussi Maria Chaput que j’adore et qui a fait une telle différence dans ma vie.  Elle m’a inspiré à bien faire. Merci Maria!

Je trouve que si la femme veut faire du progrès en ce qui a rapport à ses droits, elle a besoin de beaucoup de courage et de persistance. Il faudrait que les hommes deviennent nos alliés. Nous, les femmes, avons élevé ces hommes, qui ensuite nous maltraitent. Ce n’est pas correct. Les hommes devraient nous aider, car en fin de compte nous sommes tous pareils.

Yvonne Fontaine-Godard, 2022. Collection privée. 

Mon message pour les jeunes femmes d’aujourd’hui : « Suivez votre cœur et n’ayez pas peur de changer d’idée. » J’ai fait ça dans les trente dernières années de ma vie et ça en a valu la peine.

L’amour c’est important – surtout pour ma famille.

Je suis fière de ma vie, de mes accomplissements.  J’adore mon travail de bénévole avec le Musée et je vais continuer  à y travailler tant que je peux.  Je suis si fière de tout ce que j’ai accompli.

 

Propos recueillis en septembre 2023 et rédigés en décembre 2024.

 

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