Soldats manitobains et les batailles

Les batailles des soldats du Manitoba dans les deux guerres mondiales

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Comment savoir où ils ont combattu

Beaucoup de Canadiens ont combattu au courant des deux guerres mondiales. Est-il possible de trouver à quelles batailles nos ancêtres ont participé? Pour certains, les lettres écrites pendant la guerre donnent des indices. Pour d’autres, il faut fouiller les archives pour arriver à retracer leurs pas.

Plusieurs Manitobains se sont inscrits dans l’armée de terre canadienne, d’autres dans l’armée de terre française. Dans les deux cas, le système de mobilisation est celui du régiment. C’est à dire que le régiment enrôle le soldat, lui assure son instruction de base et lui fournit son équipement et logement. Une fois mobilisés et entraînés, les soldats du régiment sont formés en bataillons, qui sont les pièces composantes des divisions combattantes.

Pour les soldats français, le département de la défense a érigé un site web, intitulé Mémoire des hommes, qui permet de faire des recherches dans les bases de données existantes pour les deux guerres mondiales (1). Chaque soldat était rattaché à un régiment selon son lieu de naissance. Les Français émigrés au Canada combattirent donc dans une multitude de régiments pendant la guerre.

Pour les soldats canadiens, Bibliothèque et Archives Canada offre une base de données semblable où on peut commencer les recherches (2). Bien qu’incomplètes, ces bases de données sont un bon point de départ. Si on cherche à savoir où ont combattu les soldats manitobains dans l’armée canadienne, on n’a qu’a suivre le chemin des bataillons formés par les régiments de notre province. C’est l’infanterie qui a supporté la plupart des combats, et nous concentrons donc notre attention sur les formations d’infanterie. Chaque régiment garde des honneurs de bataille qui nous indiquent où ils ont évolué pendant la guerre.

 

Première guerre mondiale

Il existe plusieurs régiments manitobains, créés pour la plupart avant la première guerre mondiale. Quand celle-ci éclata en 1914, le ministre de l’armée, Sam Hugues, décida de ne pas utiliser ce système pour créer la force expéditionnaire canadienne. Il en résulta un chaos qui fut rapidement réglé en retournant au système régimentaire. Mais ce chaos est reflété dans le fait que les soldats du Manitoba pouvaient se retrouver dans n’importe quel bataillon. Par contre, les Manitobains furent concentrés dans 24 bataillons. Parmi ceux-ci, seulement 7 bataillons furent intégrés dans 3 des 4 divisions combattantes, les autres servirent de réserve et de renforts pour ces bataillons. Nous suivrons donc le chemin de ces 7 bataillons combattants.

Les 8e, 10e et 16e bataillons ont fait partie de la 1re division canadienne, arrivée au front en février 1915, dans le secteur d’Ypres (3) dans le secteur de Flandres. Le 24 avril 2015, ces bataillons ont défendu leurs tranchées au nord-est de St-Julien contre une attaque au gaz, et à Gravenstafel, à l’est d’Ypres. La deuxième bataille d’Ypres causa plus de 6 000 morts, blessés et disparus à la première division canadienne. Cette division fut en action encore de mai à juin, à Festubert, à une vingtaine de kilomètres au nord de Vimy. Une attaque contre les tranchées allemandes fut sans succès, avec des pertes de 3 000 soldats.

Un quatrième bataillon manitobain, le 27e bataillon, faisait partie de la 2e division canadienne qui s’est joint à la première en septembre 1915. Les deux divisions formaient le corps canadien, sous commandement britannique. Une troisième division canadienne, comprenant le 43e bataillon provenant de Winnipeg, se joignit à elles pendant l’hiver 1915-1916. Toujours près d’Ypres, elles participèrent à l’attaque au Mont Sorrel au début juin 1916, essuyant une perte de 8 000 hommes. En 1916, la guerre fut dominée sur le front de l’Ouest par les batailles de Verdun et de la Somme. Au mois d’août de cette année, le corps canadien, maintenant fort de 4 divisions (la 4e incluant les bataillons nos 44 et 78 originaires de Winnipeg), fut déménagé sur le front de la Somme. Il participera à l’attaque sur Courcelette en septembre, prenant tous ses objectifs et les retenant contre les contre-attaques allemandes. D’autres attaques, sur la crête de Thiepval et les hauteurs d’Ancre, près d’Albert, remportent moins de succès. La bataille de la Somme prit fin officiellement en novembre 1916, ayant duré cinq mois. Le corps canadien fut renvoyé en Flandres, dans la région de Lens-Arras.

Après plusieurs mois de préparatifs, la bataille d’Arras commença. La bataille de la crête de Vimy, en avril 1917, fait partie de cette campagne. Le corps canadien se démarqua alors comme une unité d’élite dans l’armée britannique. L’attaque se poursuivit sur Arleux. Puis en août, l’ennemi contre-attaqua au nord de Lens, sur la côte 70. Cette attaque fut repoussée par le 10e bataillon, qui se mérita une croix victoria (Harry Brown) (4) et plus de 70 médailles de bravoure dans cet épisode.
En octobre 1917, le corps canadien est ramené à Ypres, pour prendre part à la troisième bataille d’Ypres. L’attaque sur Passchendaele, commencée à la fin d’octobre, fut terrible, et le 27e bataillon fut le premier à entrer dans le village en ruines, le 6 novembre. Le corps canadien avait perdu 16 000 hommes dans la bataille de Passchendaele.

En 1918, l’armée allemande libérée du front russe par le traité de Brest-Litovsk prit l’offensive sur le front ouest. Les Canadiens ont dû défendre le front près de la rivière Scarpe, dans la région de Fampoux, à la fin d’avril. Une fois l’offensive allemande épuisée, c’est au tour des alliés, sous le commandement du maréchal Foch, de prendre l’offensive. Cette offensive commença en août 1918 et fut l’offensive des cents jours qui mit un terme à la guerre. Les Canadiens, vus comme troupes d’élite, jouèrent un rôle important dans l’offensive. Ils avancèrent sur Amiens à la tête des armées alliés, prenant la ligne défensive allemande Drocourt-Quéant, qui fait partie de la dernière ligne allemande dite Hindenburg. Le 27 septembre, ils traversent le Canal du Nord et prennent Amiens le 2 octobre et Cambrai le 12. Ils poursuivent l’armée allemande en retraite jusqu’à Valenciennes, prenant Mons durant les derniers jours de la guerre.

Pour leurs services sur le front de l’Ouest, tous les bataillons portent l’honneur de bataille de France et Flandres, 1915-1918. Les honneurs de bataille des différents bataillons ont été conservés par les régiments actuels canadiens comme suit:
8e bataillon : Royal Winnipeg Rifles (5)
10e bataillon : Royal Winnipeg Rifles
16e bataillon : Canadian Scottish Regiment (maintenant basé à Vancouver)
27e bataillon : Royal Winnipeg Rifles
43e bataillon : Queen’s Own Cameron Highlanders of Canada (6)
44e bataillon : Royal Winnipeg Rifles
78e bataillon : Winnipeg Grenadiers (7)

Les autres bataillons mobilisés à Winnipeg, et ensuite dirigés vers les bataillons de renfort ou de réserve pour les troupes de combat furent les suivants: 6e, 11e, 32e, 45e, 61e, 79e, 90e, 100e, 101e, 108e, 144e, 183e, 190e, 200e, 203e, 222e, 226e et 250e.

Le 107e bataillon en fut un de pionniers, qui participa aux combats entre 1916 et 1918, en accomplissant les travaux de soutien nécessaires.

Il y a eu des Canadiens qui ont fait partie du Royal Flying Corps de l’Angleterre. Pour suivre leur chemin, il faut chercher des informations auprès des Archives Anglaises. Le site web « The Great War 1914-1918 » (8) donne des indications sur la façon de chercher les fichiers correspondants pour les soldats des armées et de l’aviation anglaise.

 

Deuxième guerre mondiale

Dès le début de la deuxième guerre mondiale, ce sont les régiments canadiens qui prennent en main la mobilisation. Dans la région de Winnipeg, il y avait quatre régiments d’infanterie: la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (9) les Queen’s Own Cameron Highlanders, les Royal Winnipeg Rifles, et les Winnipeg Grenadiers. Il y avait aussi un régiment de blindés, le Fort Garry Horse (10), et un régiment de reconnaissance, le 12th Manitoba Dragoons (11). La plupart des Manitobains ont combattu dans une de ces formations. L’infanterie et les blindés furent au centre des combats terrestres durant cette guerre.

La Princess Patricia’s Canadian Light Infantry était basée en partie à Winnipeg au début de la guerre. Elle fait partie de la 1re division canadienne d’infanterie, arrivée en Angleterre en décembre 1939. La 2e division canadienne d’infanterie la rejoint au mois d’août 1940. Ensembles, elles forment le corps canadien, et sont rejointes par la 1re brigade blindée et la 3e division d’infanterie canadienne en juin et juillet 1941. Une 5e division blindée arrivera en Angleterre en novembre. Une 4e division blindée et une deuxième brigade blindée sont ajoutées en 1942 et 1943.

C’est en 1941 que les Winnipeg Grenadiers sont envoyés à Hong Kong, et ils perdront la bataille pour cette île en décembre (12).

En 1942, la 2e division d’infanterie, dont fait partie les Queen’s Own Cameron Highlanders, débarque le 19 août à Dieppe. Jour désastreux pour cette division, elle perd plus de la moitié de ses forces combattantes. C’est pour cette raison que la 1re division sera choisie pour le débarquement en Sicile en juillet 1943. Les Princess Patricia’s Canadian Light Infantry font partie de cette division. Ils prendront les villages de Leonforte et d’Agira, en Sicile. Cette division continuera à évoluer dans la campagne d’Italie. Traversant le détroit de Messine qui sépare la Sicile de la péninsule italienne, la division canadienne remonte la péninsule du côté de l’Adriatique.

Elle y sera rejointe par la 5e division blindée canadienne et ils feront partie du 1er corps d’armée canadienne. Ce corps sera engagé en décembre 1943 dans les batailles de la vallée du Moro et dans le Ravin, en direction d’Ortona. Se heurtant à la ligne défensive allemande au nord d’Ortona, les Alliés avancent sur Rome par la vallée du Liri. La campagne d’Italie devient une succession d’attaques contre les lignes défensives: la ligne Hitler près du mont Cassin en mai 1944, la ligne Gothique en août, de retour sur la côte Adriatique. En septembre, c’est au tour de la ligne Rimini, encore sur la côte est de l’Italie. Une fois dépassée cette ville et la crête de San-Fortunato, les Canadiens entrent dans la plaine lombarde, dans le nord-est de l’Italie. Les rivières et les canaux remplacent les montagnes comme obstacles. Les combats se poursuivent sur la tête de pont de la rivière Savio, sur le canal Naviglio et près de Granarolo, en direction de Ravenne.

Pendant que le bataillon de Princess Patricia traverse l’Italie, les autres bataillons manitobains sont occupés sur le front nord-ouest de l’Europe, en Normandie. Les Royal Winnipeg Rifles ainsi que les chars du Fort Garry Horse, débarquent sur Juno Beach le 6 juin 1944, au Jour J, avec la 3e division d’infanterie. La bataille de Normandie va durer trois mois, les armées alliées avançant lentement contre les divisions de l’armée allemande et de la SS.

Le Queen’s Own Cameron Highlanders, dans la 2e division, remis du désastre de Dieppe, rejoint les régiments de la 3e division. Ensemble, ils font partie du 2e Corps armé canadien, commandé par la 2e armée britannique.

De la côte normande, les Royal Winnipeg Rifles et les chars du Fort Garry Horse participent à la libération de Caen et de Carpiquet, puis traversent la rivière Orne en direction de la crête de Bourguébus, qui domine le paysage normand, et d’où les Allemands pouvaient voir l’attaque venir. Les Cameron Highlanders se dirigent sur St-André-sur-Orne pour protéger le flanc droit de l’attaque. Puis on pousse vers la crête de Verrières et Tilly-la-Campagne, au sud-est de Caen.

Le 23 juillet, la 1re armée canadienne devient opérationnelle, et prend le commandement des unités canadiennes, en plus d’une division polonaise et d’une division anglaise. Ils doivent avancer sur Falaise: la percée américaine tente de prendre l’armée allemande encerclée. Devant une défense très forte, les Canadiens suivent la route de Falaise, pour fermer la boucle. Ils traversent la ville de Falaise et la rivière Laison pour se rendre à Chambois, où la poche de Falaise est fermée, suite à de durs combats. Bien que beaucoup de soldats allemands aient pu s’en échapper, l’armée allemande n’existe plus de façon fonctionnelle en Normandie, et les alliés peuvent avancer plus rapidement, jusqu’à la Seine.

La première armée canadienne reçoit ensuite la mission de prendre les ports de la Manche, en direction d’Anvers. Tour à tour, Boulogne, Calais et Dunkerque sont libérés par des soldats manitobains. Le grand port d’Anvers est atteint, mais il faut une campagne pour chasser l’ennemi des rives de l’Escaut, grand fleuve qui relie Anvers à la mer du Nord. Cette campagne hollandaise se poursuit, on se bat sur le canal Léopold et le canal Anvers-Turnhout, puis dans l’île de Beveland Sud et à Woensdrecht. D’autres unités allemandes sont prises dans la poche de Breskens, sur la rive sud de l’Escaut.

La campagne se poursuite en Rhénanie, sur le sol allemand entre la Meuse et le Rhin. Les soldats manitobains participent aux opérations « Veritable » (8-21 février 1945) et « Blockbuster » (23 février-10 mars 1945) sur le sol allemand, entre autres dans les plaines du Waal, sur la route de Goch-Calcar, dans les bois de Moyland et la forêt Hochwald. Après avoir traversé le Rhin près d’Emmerich, nos soldats terminèrent la guerre en libérant la partie est des Pays-Bas, dont les villes de Deventer, de Groningen et d’Apeldoorn. Ils ont aussi participé à l’invasion du nord-ouest de l’Allemagne jusqu’à Oldenburg, sur le canal Kusten.

Les bataillons des régiments d’infanterie et de blindés ont subi les combats en première ligne. Mais pour soutenir les combattants, il y avait les unités d’artillerie et de services: par exemple, les services médicaux, de génie, de ravitaillement, de postes, etc. Ces unités étaient rattachées aux divisions, aux corps armés et aux armées. Elles ont donc suivi leur quartier général pendant la guerre.

On peut suivre les carrières des aviateurs en suivant les escadrons dans lesquels ils furent postés. Mais tous n’étaient pas pilotes de chasseurs ou équipages de bombardiers. Il y avait l’équipe au sol, chargé de l’entretien et des réparations des avions, ainsi que les unités de service (13). Les escadrons de la RCAF étaient numérotés à partir de 400, pour les identifier par rapport aux escadrons de la RAF. Leurs honneurs de bataille ont été conservés dans les escadrons opérationnels actuels (14). Ils ont participé à la défense de l’Angleterre, aux bombardements de l’Allemagne et de la France, et des opérations de soutien aux armées en Europe du nord-ouest. Plusieurs Canadiens ont fait partie de la RAF, et on doit retracer les escadrons anglais pour pouvoir retracer leur route. D’autres aviateurs ont choisi de rester au Canada. Ils ont participé aux vols de reconnaissance et de défense de convois maritimes sur la côte de l’Atlantique et du Pacifique.

Pour la marine, il suffit de connaître le vaisseau où était posté le marin afin de pouvoir retracer son histoire (15). La marine canadienne a participé à la bataille de l’Atlantique, de 1939 à 1945, mais a aussi contribué des détachements pour les grandes opérations de débarquement, notamment celle du jour-J en Normandie.

1 Ministère de la défense, site web « Mémoire des hommes », première guerre mondiale
Ministère de la défense, site web « Mémoire des hommes », seconde guerre mondiale

2 Bibliothèque et Archives Canada, site web « Première guerre mondiale »
Bibliothèque et Archives Canada, site web « Deuxième guerre mondiale »

3 Les noms indiqués en gras sont les titres des honneurs de bataille accordés aux régiments. Pour plus de détails, voir le site web Honneurs de bataille et distinctions honorifiques, Défense nationale et les forces armées.

4 Site web Défense nationale et les forces armées. Dans Les Cloches de Saint-Boniface, 1 mai 1917, p.144, on y apprend que William Molloy, député de La Vérendrye de 1910 à 1914 et François Leclair, métis de Saint-Boniface, sont tués sur les hauteurs de Vimy.

5 Site web Défense nationale et les forces armées, « The Royal Winnipeg Rifles ».

6 Site web Défense nationale et les forces armées, « Queen’s Own Cameron Highlanders of Canada ».

7 Site web Défense nationale et les forces armées, « The Winnipeg Grenadiers ».

8 Site web « The Great War 1914-1918 ».

9 Site web Défense nationale et les forces armées, « Princess Patricia’s Canadian Light Infantry ».

10 Site web Défense nationale et les forces armées, « The Fort Garry Horse ».

11 Site web Défense nationale et les forces armées, « 12th Manitoba Dragoons ».

12 Pour plus de détails, voir La participation canadienne à la guerre en Asie

13 Voir, par exemple, le témoignage de Louis Lemoing durant la seconde guerre mondiale.

14 Site Web de Défense nationale et les forces armées, « Insignes et lignées des forces canadiennes, tome 4 ».

15 Voir comme exemple le témoignage de Laurent Desjardins, marin sur le HMCS St. Boniface.

Bibliographie :

Première guerre mondiale

Chartrand, René (2007) The Canadian Corps in World War I, Oxford: Osprey Publishing

Meek, John F. (1971) Over the Top! The Canadian Infantry in the First World War. Orangeville

Nicholson, G.W.L. (1962) Le Corps Expéditionnaire Canadien, 1914–1919, Ottawa

Deuxième guerre mondiale

Chartrand, René (200q) Canadian Forces in World War II, Oxford: Osprey Publishing

Nicholson, G.W.L. (1960) Les Canadiens en Italie 1943-1945, Histoire officielle de la participation de l’Armée canadienne à la Seconde Guerre Mondiale, vol. 2, Ottawa

Stacey, C.P. (1957) Six années de guerre, Histoire officielle de la participation de l’Armée canadienne à la Seconde Guerre Mondiale, vol. 1, Ottawa

Stacey, C.P. (19 ) La Campagne de la victoire: les opérations dans le nord-ouest de l’Europe 1944-1945, Histoire officielle de la participation de l’Armée canadienne à la Seconde Guerre Mondiale, vol. 3, Ottawa

D’autres sources

Site Web Military History Society of Manitoba

Patrimoine des Prairies