Les Soeurs Grises et l’Hôpital général Saint-Boniface

Ce module traite des cents premières années de l’Hôpital général Saint-Boniface (1871-1971) et du rôle des Sœurs de la Charité ou Sœurs Grises dans son établissement.
Lors du passage des premiers traiteurs de fourrures et surtout lors de l’arrivée des premiers colons de Lord Selkirk au 19e siècle, la médecine européene est introduite dans la région de la Rivière-Rouge. N’ayant souvent pas de médecin à proximité pendant ces premières années, les colons doivent soigner leurs maladies selon des pratiques acquises dans leurs pays d’origine et influencés par des traditions autochtones du pays. Mais ces connaissances ne suffisent pas aux besoins de la colonie.
En 1844, à la demande de Mgr Joseph-Norbert Provencher qui veut établir une communauté religieuse de femmes à la Rivière-Rouge, quatre Sœurs Grises quittent Montréal en canot d’écorce. Après deux mois de voyage, Sœurs Marie-Louise Valade (supérieure), Eulalie Lagrave, Gertrude Coutlée dit St-Joseph et Hedwidge Lafrance arrivent à Saint-Boniface. Les sœurs se chargent aussitôt de l’éducation et du soin des infirmes, des malades et des indigents sans égard à leur ethnicité ou leur religion.
Sœur Lagrave est désignée infirmière du groupe et entre 1844 et 1855, avec l’aide d’autres sœurs, elle visite plus de six mille personnes. Les malades ayant besoin de soins plus prolongés sont accueillis au couvent. La première patiente est admise le 9 juillet 1844. Les sœurs se distinguent surtout par leur dévouement aux malades lors des nombreuses épidémies qui affligent la colonie entre 1844 et 1870. Sœur Ste-Thérèse arrive à la Rivière-Rouge en 1855 pour prendre la relève de sœur Lagrave.
En 1870, les Sœurs Grises constatent que leur couvent n’est plus assez grand pour accommoder tous les malades. En mai 1871, sous la direction de sœur Ste-Thérèse, les sœurs ouvrent une « maison des hommes » avec quatre lits sur le lot 80. L’hôpital reçoit son premier patient, Louis Thibault, le 5 août 1871 et la première intervention chirurgicale documentée a lieu en 1872 par le docteur O’Donnell. En 1877, l’hôpital de quatre lits est trop petit pour le nombre de patients qui le fréquentent. Afin de remédier au problème, les Sœurs Grises font l’acquisition d’une maison qui peut loger dix lits.
Une dizaine d’années plus tard, l’hôpital est à nouveau trop petit, car le nombre de patients augmente chaque année. Le temps est venu de bâtir un édifice dédié aux soins de santé. Terminé en 1888, le personnel de cet hôpital de soixante lits se compose de deux religieuses, trois filles, deux hommes engagés et un chapelain. Compte tenu de la situation économique du Manitoba à cette époque, les patients ne peuvent pas toujours payer leur pension à l’hôpital et les sœurs sont continuellement à la recherche de sources de financement.
En 1893, c’est à l’instigation du docteur Alexander Hugh Ferguson qu’une demande est présentée au gouvernement pour faire bâtir un nouvel hôpital. Le début des années
1890 est aussi marqué par les efforts du docteur Ferguson à introduire l’enseignement médical à l’hôpital. De plus, en 1897, les sœurs fondent officiellement une école pour infirmières. Les années 1890 voient aussi l’ouverture d’une maison avoisinant l’hôpital pour personnes atteintes de maladies contagieuses. L’hôpital porte le nom Saint-Roch (1895).
Au tournant du 20e siècle, les services de l’hôpital s’améliorent avec la construction d’un nouvel hôpital. L’introduction de l’électricité et un approvisionnement en eau sanitaire comptent parmi les changements les plus importants. Malgré les améliorations portées à l’édifice, les défis de l’époque sont nombreux pour les Sœurs Grises et leur hôpital.
En 1914 la guerre est déclarée en Europe et plusieurs médecins et infirmières s’inscrivent au service militaire. Les hôpitaux de la ville de Winnipeg sont rapidement remplis de soldats malades, et les officiers de l’armée demandent aux autorités de l’hôpital Saint-Boniface de leur réserver 100 lits. En décembre 1915, l’hôpital offre 300 lits aux soldats. Par 1916, la partie transversale, située au centre de l’hôpital (1893-94), est devenue démodée. Cette même année, l’hôpital fait face à une menace d’inondation. Les ressources de l’hôpital sont mises à l’épreuve encore une fois vers la fin de la Première Guerre mondiale par la grippe espagnole. L’hôpital fait construire en 1928, un cinquième étage à l’aile sud (1905), afin d’accroître les espaces de laboratoire. Les défis continuent durant les années de la dépression.
L’expansion et le renouvellement de l’hôpital pendant les années 1950, sont dus principalement à sœur Marie-Berthe Dorais. Par exemple, en 1956, les différentes divisions des ailes de l’hôpital qui portent des noms religieux sont simplifiées par un système alphanumérique et les locaux sont complètement réaménagées. Le département qui connaît le plus grand développement au cours de cette décennie est celui de la cardiologie.
En 1960, les religieuses décident d’incorporer l’hôpital séparément de la congrégation. Au lieu d’être connu sous le nom «Les Sœurs de la Charité de l’Hôpital général de Saint-Boniface», l’hôpital portera le nom : Hôpital général Saint-Boniface. Cette période se termine avec une grande fête centenaire en 1971, la création d’un organisme dans le but d’encourager la recherche dans divers domaines médicaux et par un autre agrandissement de l’hôpital.
Texte rédigé par l’équipe de départ responsable de la réalisation d’Au pays de Riel, début des années 2000.
Texte révisé en 2022.
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