École industrielle de Saint-Boniface (MB)

Après les événements de 1870, l’archevêque de Saint-Boniface, Mgr Alexandre Taché o.m.i., cherche à encourager la sédentarisation des populations Premières Nations et métisses.
Un élément essentiel à ce programme, selon lui, est l’éducation des filles. Il croit qu’en éduquant les filles dans des écoles industrielles, celles-ci apprendront à utiliser les produits de récolte pour assurer la survie de la maisonnée. Il croit aussi que ces dernières y apprendront à devenir de bonnes mères de famille et encourageront ainsi un mode de vie basé sur l’agriculture plutôt que sur la chasse.
L’école industrielle de Saint-Boniface ouvre ses portes en 1890 et fait venir des enfants Premières Nations et Métis de plusieurs communautés. Fondée par Mgr Taché, donnée en guise de « cadeau » à la mère supérieure des Sœurs Grises et construite aux frais du Gouvernement du Canada, l’école est administrée par le Diocèse de Saint-Boniface et les Sœurs Grises du Manitoba. En échange, le Gouvernement exige un rapport annuel sur le nombre d’enfants et sur leur progrès. En 1890, même si la construction n’est pas terminée, on y loge 21 petites filles placées sous la direction de sœur Clément. En décembre, la construction terminée, l’école est placée sous la direction de l’abbé Arthur Lavigne et recrute aussi 16 garçons. Le prêtre agit surtout en tant que chapelain tandis que les religieuses s’occupent de l’administration de l’école.
On rassemble dans l’école, des enfants provenant des plusieurs réserves autochtones du Manitoba. On y trouve des enfants du Fort Alexandre (Sagkeeng), Sandy Bay, Peter Ballendine, Beren’s River, Nelson River, Pine Creek, Roseau River, Grassy Narrows, St. Peter’s (Peguis), Brokenhead et même Wabigoon (Ontario).
Les enfants Métis composent presque la moitié des enfants qui passent par les portes de l’institution, mais leurs communautés d’origine sont rarement notées. D’après leurs lieux de naissances, plusieurs d’entre eux semblent avoir été recrutés de St-Laurent et de St-Boniface.
Comme dans les autres écoles industrielles, on enseigne aux élèves les métiers manuels en plus des matières académiques. Les garçons y apprennent donc la menuiserie, la forge ou la cordonnerie alors que les filles apprennent le travail domestique de maison, à carder la laine, à coudre ou à faire la cuisine. Mais l’intention est surtout à leur imposer un mode de vie agricole. Mgr Langevin, qui devient archevêque de Saint-Boniface en 1894, fonde aussi une fanfare à l’école industrielle. En plus de la musique, les enfants sont initiés au théâtre, à la littérature et au dessin.
En 1896, l’administration de l’école industrielle de Saint-Boniface passe aux mains des Oblats. Les Sœurs Grises continuent cependant d’y œuvrer. Elles s’occupent de l’enseignement et de la discipline chez les filles et les garçons de moins de douze ans. Elles ont aussi la responsabilité de l’entretien des édifices, de la cuisine, du ménage, de l’infirmerie, de la couture et de la surveillance des enfants. Les Pères, quant à eux, s’occupent de l’administration, du recrutement, de l’enseignement des plus âgés et de la surveillance des garçons.
Le père Ambroise Comeau o.m.i. devient le premier directeur de l’école. Cependant, il cède rapidement sa place au père Jean-Baptiste Dorais o.m.i. qui restera directeur de l’école jusqu’en 1903. On compte alors environ 110 élèves. Mais déjà, en 1897, le recrutement des élèves pose un défi aux religieux. Les parents autochtones hésitent à envoyer leurs enfants aussi loin de chez eux. En outre, les élèves s’enfuient, tombent malades, meurt ou s’absentent pendant de longues périodes lorsque leur famille part pour la chasse ou lorsque des parents ont besoin d’eux à la maison. De temps à autre les parents refusent tout carrément de renvoyer leurs enfants à l’école.
Des missionnaires sont donc envoyés régulièrement dans les réserves pour faire le recrutement de nouveaux élèves pour l’école industrielle de Saint-Boniface. En compétition avec les écoles protestantes, Saint-Boniface doit aussi avoir un certain quota d’élèves pour conserver son financement du Gouvernement canadien. On déplore aussi le fait que l’école n’a pas de pâturage pour ses cinq vaches et qu’on ne peut récolter assez pour subvenir aux besoins de l’école. Les Oblats décident donc de changer de tactique.
En 1902, Mgr Langevin songe déjà à vendre l’école industrielle de Saint-Boniface pour fonder deux autres écoles plus près des familles autochtones, soit une au Fort-Alexandre et l’autre à Saint-Laurent. Les administrateurs d’école croient alors que des écoles sur les réserves, plutôt qu’à Saint-Boniface, encourageraient les parents à y envoyer leurs enfants.
On espère aussi que ces écoles-pensionnats près des réserves réduiraient l’absentéisme des élèves des écoles de jours sur les réserves qui accompagnent souvent leurs parents à la chasse.
Le Provincial des Oblats du Manitoba, le père Prisque Magnan o.m.i., envoie donc le père Edmond Gendreau o.m.i. à Ottawa pour négocier avec le Gouvernement fédéral. Les Oblats obtiennent ainsi les droits de propriété sur les terres de l’école industrielle de Saint-Boniface. En échange, ils s’engagent à construire trois écoles résidentielles, celles-ci se trouveront sur les réserves de Fort Alexandre, de Sandy Bay et de Fort Frances.
L’école industrielle de Saint-Boniface ferme donc ses portes en 1905. Au cours de son existence en tant qu’école industrielle, il y eut un total d’environ 300 enfants qui l’ont fréquenté. De ces 300 environ la moitié (126 enfants) sont identifiés comme Métis; et presque un tier (87 enfants) sont morts à l’école ou très peu après leur départ. Selon les documents d’archives, la majorité de ces enfants sont enterrés au cimetière de la cathédrale dans des tombes anonymes.
Après la fermeture, les Oblats adaptent l’édifice à leurs nouveaux besoins et le transforme en Juniorat. L’édifice reçoit donc à nouveau des élèves, mais on cherche à faire de ceux-ci des missionnaires et non plus des agriculteurs. Les junioristes occupent l’ancienne école industrielle jusqu’en 1911 alors qu’elle est entièrement détruite par un incendie. On construit alors un nouvel édifice sur le boulevard Provencher.
Texte rédigé par l’équipe de départ responsable de la réalisation d’Au pays de Riel, début des années 2000.
Texte révisé en 2022.
Bibliographie
Carrière, Gaston. Dictionnaire biographique des Oblats de Marie Immaculée au Canada, 4 volumes, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1979.
Dorais, Jean-Baptiste. « Une expédition de l’école industrielle de Saint-Boniface (Canada) », Petite annales de la congrégation des Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée, numéro 1, (janvier 1897), p. 30-33.
Magnan, Josaphat. « Le Juniorat de Saint-Boniface, Man. », Missions de la Congrégation des Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée, numéro 214, (décembre 1921), p. 310-313.
Mitchell, Estelle. Les Sœurs Grises de Montréal à la Rivière-Rouge 1844-1984, Montréal, Éditions du Méridien, 1987.