Les relations entre les Métis et les Canadiens-Français

Les Canadiens français se sont longtemps perçus comme amis et alliés des Métis de l’Ouest canadien. Pourtant, les Métis francophones et les Canadiens-Français établis au Manitoba ont, depuis le 19e siècle, des relations ambiguës.
Les deux groupes partagent une langue, et souvent la même foi et trouvent tous deux une partie de leurs origines au Québec. Par contre, plusieurs différences les séparent. La vie du jeune Métis est aussi enrichie de l’apport de sa famille autochtone. Par conséquent, la langue, la foi, la vie culturelle et les habitudes de vie des Métis sont distinctes.
Les Métis et les Canadiens français du 19e siècle vivent ensemble dans les communautés francophones de l’Ouest. Ils se trouvent souvent à combattre côte à côte pour les mêmes causes. Ainsi, des alliances se forgent entre les deux groupes. L’abbé Georges-Antoine Belcourt, par exemple, est un fervent défenseur du commerce libre et s’allie aux Métis qui le réclament. L’abbé Joseph-Noël Ritchot devient l’un des alliés principaux de Louis Riel et du gouvernement provisoire lors des événements de 1869-1870 à la Rivière-Rouge. Le Métis Roger Goulet, président de l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba, siège aussi comme président de la Société Saint-Jean-Baptiste du Manitoba au début du 20e siècle. Son travail comme inspecteur d’écoles lui permet aussi de défendre la cause de l’éducation catholique en français au Manitoba.
Ainsi, les Métis et les Canadiens français trouvent l’occasion de s’allier à plusieurs reprises au cours des 19e et 20e siècles pour assurer la survie de leurs cultures respectives. Par contre, de nombreux différends séparent aussi les deux groupes. L’arrivée de nombreux colons canadiens-français au Manitoba après 1870 réduit l’influence métisse au sein de la communauté francophone. Ces nouveaux colons, bien que souvent favorables aux actions de Louis Riel et des Métis de la Rivière-Rouge, apportent aussi avec eux des préjugés envers les premiers habitants de la colonie. C’est la cause francophone et catholique que supportent la plupart des portes-paroles du Canada français, sans aucun égard pour la cause métisse. Les Métis deviennent alors rapidement une minorité ethnique et polyglotte au sein de la minorité francophone de la province.
Le colon canadien-français apporte avec lui les perceptions du monde qui prévalent à l’époque. On divise alors les peuples en races, dont certaines sont supérieures à d’autres. Le colon d’origine européenne se croit plus civilisé que les peuples autochtones.
Dans cette hiérarchie qui lui est imposée par des colons, le Métis se trouve entre les deux sur l’échelle des civilisations, considéré supérieur aux Autochtones à cause de ses racines européennes, et inférieur aux Européens en raison de ses racines autochtones.
Le colon cherche donc à « civiliser » le Métis en le transformant en « bon Canadien français ». Les écoles francophones et catholiques de la province enseignent aux enfants Métis la langue, la culture et les valeurs canadiennes-françaises. Par exemple, on croit que la langue méchif est le résultat d’une mauvaise éducation et l’on tente de remédier à la situation en corrigeant les élèves qui la parle. Certains enfants Métis se retrouvent même dans les écoles résidentielles et les écoles de jour parmi leurs cousins Premières Nations.
Ainsi, les Canadiens français contribuent à la disparition de la langue et de la culture métisses. Et bien sûr, le racisme de plusieurs colons envenime la situation. Plusieurs Métis, afin d’échapper aux railleries, décident de s’assimiler soit aux francophones soit à la mer anglophone. Encore d’autres Métis préfèrent se rapprocher de leur parenté Premières Nations. Découragés, de nombreux Métis quittent le Manitoba pour se diriger vers l’Ouest, poussés de leurs terres qui sont ensuite appropriés par des colons de l’Ontario, du Québec et des États-Unis. Des communautés métisses entières disparaissent ainsi au cours du vingtième siècle.
Plusieurs conflits explosent entre les élites métisses et canadiennes-françaises au cours du 20e siècle. Les intérêts politiques et les objectifs des deux groupes ne s’agencent pas toujours. De plus, le racisme anti-autochtone continue à créer un climat hostile pour les Métis. Les interprétations historiques du passé causent aussi des différends et provoquent quelques polémiques dans les journaux du Manitoba. De nombreux historiens commencent à s’intéresser à la question des relations entre Métis et Canadiens français à partir des années 1970. Par les écrits de plus en plus nombreux portant sur ce sujet, les Canadiens français et les Métis du Manitoba apprennent à se redécouvrir.
Bibliographie
LUSSIER, Antoine. « Les rapports entre les Bois-Brûlés et les Canadiens Français au Manitoba depuis 1900 », Actes du Colloque du CEFCO du 21-22 novembre 1981, Saint-Boniface, Presses universitaires du Collège universitaire de Saint-Boniface, 1981.
PAINCHAUD, Robert. « Les rapports entre les Métis et les Canadiens-français au Manitoba, 1870-1884 » dans A. S. LUSSIER et D. Bruce SEALY, The Other Nation : The Métis, vol. 2, Manitoba Métis Federation Press et Éditions des Bois-Brûlés, 1978.
PAYMENT, Diane. « “On est pas métchifs nous-autres”: un aperçu des relations entre les femmes francophones au Manitoba durant les années 1810-1920.”, Bulletin de la Société historique de Saint-Boniface, no. 3, (printemps 1992).
PAYMENT, Diane. « Un aperçu des relations entre les missionnaires catholiques et les métisses pendant le premier siècle de contact (1813-1918) dans l’Ouest canadien », Études oblates de l’Ouest 3, Edmonton, Western Canadian Publishers, 1994.
SAINT-ONGE, Nicole. « La dissolution d’une communauté métisse, Pointe-à-Grouette 1860-1885 », Riel et les Métis canadiens, Saint-Boniface, Société historique de Saint-Boniface, 1990.