MARIETTE FERRÉ – Autobiographie
Née Ferré, le 10 décembre 1947
à Saint-Brieux, Saskatchewan
À la suite de son service militaire durant la Deuxième Guerre mondiale, mon père Marcel Ferré a épousé ma mère Eugénie Toullelan dans leur village natal à Saint Brieux, en Saskatchewan. Ils ont acheté une ferme à polyculture, près de Daylesford, une petite communauté d’immigrants anglais, située à vingt kilomètres au sud de Saint-Brieux. Cette belle région agricole est une transition naturelle entre la forêt boréale au nord et les prairies au sud. Dans mes plus chers souvenirs de la ferme, le paysage de la région parsemé de peupliers, de trembles et d’une variété d’arbustes mixtes est de toute beauté.
Dès mon jeune âge, j’étais fière de mon identité de deuxième génération canadienne française et de descendance bretonne. Les familles de mes grands-parents, Jean Baptiste Toullelan (Jeanne Boulanger) et Jean Ferré (Maria Larmet), ont immigré à Saint Brieux en 1905, où ils ont pris racine en élisant homestead. Nul doute que le courage et la résilience de mes ancêtres courageux et aventureux ont influencé la vie de mes parents et celle de leurs quatre enfants. Je suis l’aînée.
Les paroles d’une chanson du Fransaskois Jeff Staflund résument mes plus doux souvenirs d’enfance de la ferme en Saskatchewan. Quand j’étais petit enfant, j’allais jouer tout le temps dans un grand océan doré et j’y écoutais le vent. En vivant dans la ferme familiale, jusqu’à mes dix-huit ans, j’ai eu la chance de vivre à proximité de la nature, d’apprécier la beauté de chacune des saisons, tout en apprenant à aider mes parents. Je me remémore souvent mes escapades avec mes frères et ma sœur. Nous partagions les tâches reliées à l’élevage des animaux (poules, porcs, bétail), au jardinage et à la mise en conserve des légumes, à la préparation des repas ainsi qu’aux travaux d’entretien de la maison. Je préférais les tâches à l’extérieur de la maison dans la nature. Dès douze ans, j’ai eu la chance d’apprendre à conduire un camion d’une tonne, à transmission manuelle. Pendant quatre ans, au mois d’août et en fin de semaine en septembre, je conduisais ce camion durant la moisson. Maman conduisait la moissonneuse et Papa s’occupait d’engranger le grain que je livrais. Par la suite, c’était au tour des plus jeunes de conduire le camion. Je suis devenue cuisinière pour la moisson. La qualité de mes essais culinaires laissait à désirer, mais personne ne s’en est jamais plaint! Le plus important de tout : mes parents voulaient qu’on apprenne à bien travailler dans la ferme à condition que nos devoirs et nos leçons soient, sans équivoque, notre grande priorité.
Ma scolarité
Lorsque j’ai eu six ans, mes parents m’ont inscrite à l’école de Saint-Brieux, et au pensionnat tenu par les Filles de la Providence. Leur but : que je reçoive une bonne éducation, incluant les cours de français et de religion catholique. Jusqu’à l’âge de dix ans, lorsque les routes étaient enneigées ou boueuses, je prenais le train les lundis matin de Daylesford à Saint-Brieux et je rentrais à la maison en train le samedi matin. Je me souviens que ma mère trouvait l’expérience très difficile. Pour moi, c’était une aventure et probablement le début de ma grande passion pour les voyages. Je conserve un merveilleux souvenir de remettre mon billet au contrôleur dans son bel uniforme!
Outre le fait que je m’ennuyais beaucoup de ma famille, je ne garde aucun mauvais souvenir de mes années au pensionnat. Durant les récréations, nous marchions le long de la voie ferrée. En dehors de nos périodes d’études, en équipes, nous étions affectées aux différentes tâches reliées à l’entretien d’une maison. Toutefois, une exigence devait être respectée : nos lits devaient réussir le test de l’inspection de la propreté. La nourriture n’était pas bonne. Sachant cela, Maman préparait de vrais festins pour notre famille chaque fin de semaine.
Puisque je ne parlais pas du tout l’anglais au début de ma scolarité, les religieuses m’aidaient à faire mes devoirs quotidiens en salle d’étude. J’ai appris rapidement ma langue seconde puisque c’était la seule langue de communication à cette école, malgré le fait que quatre-vingt-quinze pour cent des élèves et du personnel enseignant avaient le français comme langue première!
Comme j’étais très timide, l’occasion de partager le quotidien avec des jeunes de mon âge s’est avérée une expérience positive. Mes parents m’ont payé des leçons de musique et ont acheté un piano pour la famille. Je pouvais donc pratiquer les fins de semaine. Plus tard, mes frères et ma sœur ont tous appris à jouer du piano. C’était une grande récompense pour nos parents qui aimaient nous entendre jouer.
Quant à l’étude du français à l’école, le gouvernement permettait l’enseignement du cours de français de l’ACFC (Association culturelle franco-canadienne) une heure chaque jour. Les programmes d’étude incluaient la dictée, la grammaire, la composition et les études littéraires selon les programmes élaborés par les bénévoles de l’ACFC. Nous devions subir l’examen annuel, pendant une demi-journée, le deuxième samedi de juin. Je garde un souvenir impérissable des lilas en fleur durant ce temps de l’année. Maman nous cousait de nouveaux vêtements pour l’occasion et Grand-mère Toullelan nous préparait un bon repas que nous dégustions après l’examen. Il est probablement assez rare d’avoir de si bons souvenirs d’un examen d’une demi-journée à partir de la troisième année! J’aimais beaucoup l’école et je suis persuadée que c’est dû à l’encouragement et à l’appui indéfectible de mes parents.
À la maison, il était interdit de parler anglais. Il m’arrivait de bouder plutôt que de parler français. Nous sommes demeurés très reconnaissants envers nos parents pour leur ténacité et sommes aujourd’hui de très fiers francophones comme l’est aussi la génération qui nous suit.
Dès 1955, à la suite de la construction d’une bonne route entre la ferme et Saint Brieux, Maman nous conduisait à l’école pendant que mon père vaquait aux travaux de la ferme. En 1962, la division scolaire de Humboldt a fermé les petites écoles de campagne et a entrepris de fournir le transport scolaire. Mes parents ont été embauchés pour conduire l’autobus, mais la division scolaire a refusé à ma mère d’être la chauffeuse principale. Il n’était pas question que cela la « déroute ». Selon le contrat, elle ne pouvait être que remplaçante, mais en réalité, elle conduisait l’autobus la majorité du temps jusqu’au déménagement de la famille au Manitoba, en 1966. Lorsque j’avais quatorze ans, observer l’iniquité vécue par ma mère m’a sensibilisée à l’injustice envers les femmes. Viser à atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes est devenu un objectif à vie.
En 1965, mes parents ont pris la décision courageuse d’acheter une ferme à culture céréalière à Saint-François-Xavier au Manitoba. L’année avant de quitter la Saskatchewan, mes parents m’ont inscrite en pension à l’Académie Présentation de Marie à Prince Albert pour ma douzième année. Cette école pour filles était renommée pour la réussite scolaire et musicale. Mes parents voulaient que je sois bien préparée pour étudier à l’Université du Manitoba, à proximité de notre futur domicile à Saint-Norbert. Durant ma douzième année, j’ai aussi eu la chance d’obtenir un diplôme de neuvième année en piano. Seulement la note finale des examens provinciaux comptait pour le bulletin et pour être admise à l’université! Pour réussir, il fallait s’y mettre!
Mariette Ferré, photo de graduation, 1966. Collection privée.
Plusieurs raisons ont motivé mes parents à décider de déménager la famille au Manitoba. Désireux de faire partie d’une communauté francophone à proximité de l’Université du Manitoba pour les études, mes parents ont choisi Saint-Norbert comme lieu de résidence. Durant la saison agricole, mes parents, mes frères jumeaux et ma sœur faisaient la navette entre Saint-Norbert et la ferme à Saint-François pour effectuer les travaux dans les champs et le jardinage. À cette période de ma vie, je suivais des cours d’été pour obtenir mon certificat en éducation. Ensuite, j’ai déménagé à Pine Falls pour enseigner en 1969.
J’ai toujours eu énormément de gratitude envers mes parents. En raison de la Grande Dépression, leurs familles n’avaient pas les moyens de financer les études secondaires et universitaires. Nos parents voulaient à tout prix que leurs quatre enfants aient accès aux études postsecondaires. Ils ont atteint leur objectif, car nous sommes tous diplômés universitaires, et nous avons tous eu de belles carrières professionnelles.
Ma vie professionnelle
Inspirée par mon enseignante de quatrième année, Aline (Ferré) Happ, j’ai choisi une carrière en éducation. Après trois ans à l’université du Manitoba pour compléter mon baccalauréat ès art, j’ai obtenu un brevet d’enseignement provisoire. Munie d’un permis, j’ai accepté un poste au présecondaire à Pine Falls au Manitoba. J’y ai enseigné pendant deux ans, mais lorsque j’ai su qu’on prévoyait une réduction du personnel en 1971, je n’ai rien laissé au hasard et en janvier de cette même année, j’ai accepté un poste à Westwood Collegiate, à St. James pour y enseigner le français langue seconde et l’anglais. Lors de l’entrevue d’embauche, j’ai accepté d’être responsable de la direction musicale des opérettes. Durant les cinq ans dans ce poste, mes collègues et moi avons préparé les présentations musicales suivantes : Music Man, (Wendy Crewson, devenue actrice plus tard, jouait le rôle principal), Carousel, Wizard of Oz, Finian’s Rainbow et The Sound of Music. Je suis heureuse d’avoir mis à profit ma formation musicale et d’avoir eu l’occasion d’appuyer de nombreux jeunes à vivre leur passion pour la musique.
Intéressée par l’administration scolaire, j’ai consulté mon directeur d’école en 1975 afin qu’il me conseille sur la démarche à suivre. Il souhaitait que je ne quitte pas mon poste à Westwood Collegiate, mais il a été très honnête en me disant qu’à St. James, les femmes ne seraient pas considérées pour un poste en administration scolaire dans un avenir raisonnable. Il avait bien raison, car c’est seulement vingt ans plus tard, qu’une femme a obtenu un poste de directrice d’une école secondaire à St. James. Au grand regret de mon directeur, j’ai quitté mon poste. Je lui suis très reconnaissante de m’avoir soutenue dans l’atteinte de mes objectifs professionnels, malgré l’inconvénient de trouver un remplaçant.
Quelle chance d’avoir été embauchée à forfait au Bureau de l’éducation française (BEF) dès le 1er janvier 1976! Enfin, je pouvais faire partie de la francophonie en éducation, rêve que je nourrissais depuis longtemps! C’était une époque énergisante avec le lancement d’un réseau d’écoles françaises. J’ai eu le privilège de recevoir une formation de conseillère pédagogique et de pouvoir coordonner plusieurs comités pour élaborer des programmes d’étude destinés aux écoles françaises et au nouveau programme d’immersion. J’ai de très bons souvenirs de tous les membres du personnel enseignant avec qui j’ai travaillé.
Au lieu d’accepter un contrat pour un poste permanent offert par le BEF, j’ai choisi de retourner à l’enseignement en classe. Pendant quatre ans, j’ai enseigné la musique aux élèves des écoles Lavallée et Norberry à Saint-Vital. Mon souvenir le plus mémorable de cette expérience : je dirigeais une chorale de cent dix élèves de la quatrième à la sixième année à l’école Lavallée et une chorale de quarante-cinq élèves à l’école Norberry, en immersion. Je serai toujours reconnaissante envers mes collègues qui ont été d’un grand appui à l’occasion des concerts dans les deux écoles.
En même temps que j’enseignais la musique, je suis devenue membre bénévole du conseil d’administration des ÉFM (Éducatrices et éducateurs francophones du Manitoba) organisme affilié à la MTS (Manitoba Teachers’ Society), ce rôle incluant un mandat à la présidence en 1981-1982. Durant ces quatre années, le lobbyisme du personnel enseignant nous a aidés à obtenir le programme de maîtrise en éducation, et à augmenter les services offerts en français à la MTS. J’ai toujours été fière d’être une des trois premières personnes à recevoir un diplôme de maîtrise en éducation à l’Université de Saint-Boniface en 1985. C’était mon quatrième diplôme universitaire obtenu à la suite de nombreux cours du soir et d’été pendant plusieurs années.
J’ai beaucoup aimé ce travail bénévole pour les ÉFM car j’avais l’occasion de siéger, comme représentante du personnel enseignant à divers comités regroupant commissaires et parents. L’objectif commun était d’obtenir une division scolaire francophone. La francophonie était bien en vie!
Mariette Ferré, Maîtrise en éducation, 1985. Collection privée.
Ma carrière a suivi un parcours complètement inattendu lorsque la MTS m’a nommée au premier poste de cadre administrative avec désignation bilingue en 1982. J’ai accepté ma nomination, en sachant que les exigences et les très longues heures de travail seraient au rendez-vous. J’ai occupé ce poste pendant vingt-deux ans, jusqu’à ma retraite. Je me sens extrêmement chanceuse d’avoir passé trente-cinq années en éducation dans des postes intéressants, en enseignement au départ, et ensuite comme employée au service du personnel enseignant.
Durant les années à la MTS, plusieurs défis ont dû être relevés. Avant 1982, il n’y avait qu’une femme, cadre administrative, parmi une équipe de treize personnes. Les trois femmes embauchées en 1982 ont travaillé très fort pour se tailler une place dans une profession auparavant réservée aux hommes. Après quatre ans, les deux autres femmes ont changé d’emploi. Je suis restée comme cadre administrative puisque j’aimais beaucoup mon travail et que je cherchais l’occasion de continuer à aider les ÉFM à faire avancer la cause des francophones. J’aimais aussi le travail en anglais, en perfectionnement professionnel.
Pour les francophones, la route était souvent très cahoteuse vers l’obtention des services en français à la MTS. Grâce à l’action politique très active et exigeante, l’obtention des droits a eu lieu étape par étape (ou une étape à la fois) au fil des années. Les services en français à la Manitoba Teachers’ Society se sont accrus graduellement depuis 1988 lorsque les droits aux services en français ont été enchâssés dans les statuts de la Manitoba Teachers’ Society.
En raison de la nécessité de fournir des services syndicaux en français au personnel enseignant à la DSFM, mise sur pied en 1994, j’ai accepté d’entreprendre le plus grand défi de ma carrière à la MTS en relations du travail, incluant les négociations collectives en français et en anglais. Pour m’y préparer, j’ai suivi la formation requise durant un congé sabbatique.
Il n’y avait pas eu de fusionnement de conventions collectives depuis les années 1950, lorsque le gouvernement avait fermé les petites écoles de campagne. Tout était nouveau, non seulement pour moi, mais aussi pour la MTS et la DSFM. Par la force des choses, je suis devenue agente de changement dans mon rôle de cadre administrative. En résumé, il fallait créer une association locale, l’agent négociateur, l’AÉFM (l’Association des éducatrices et éducateurs franco manitobains). Les trois cent cinquante membres du personnel qui transféraient leurs contrats à la DSFM travaillaient sous le régime de dix différentes conventions collectives, avec salaires et conditions de travail disparates. Les négociations collectives étaient nécessaires pour obtenir une première convention collective entre l’AÉFM et la DSFM. J’étais responsable de coordonner ce projet pour le syndicat à l’aide des membres du personnel enseignant bénévole. J’étais porte-parole en négociation, en conciliation et au besoin, en arbitrage. Travailler au service de nombreux membres francophones bénévoles a énormément enrichi ma vie. Devant les embûches nombreuses et complexes, nous avons constaté que notre sens de l’humour a sauvé la situation à maintes reprises. Il a été réconfortant que les parties patronales et syndicales aient pu convenir d’une entente à l’amiable, sans avoir besoin d’aller en arbitrage.
Durant mes douze années dans le secteur des relations de travail, mes responsabilités incluaient aussi la prestation de services d’appui syndical à dix syndicats locaux anglophones dans le cadre des négociations. Je devais aussi assurer les appuis syndicaux à de nombreux individus et groupes en français et en anglais. À la suite de l’amalgame de divisions scolaires au Manitoba en 2000, j’ai eu l’occasion d’entreprendre la négociation de quatre autres fusions de conventions collectives.
Au départ, mes collègues en négociation croyaient que les négociations, la médiation et l’arbitrage ne devraient pas se faire en français et surtout pas par une femme. Comme francophone dans ce contexte, et la seule femme dans l’équipe de négociations, j’étais donc doublement minoritaire! Il y avait énormément de pression, car ces négociations créeraient un précédent pour les futurs amalgames. Il a fallu de la patience et beaucoup de doigté pour sensibiliser mes collègues unilingues au sujet des droits statutaires des francophones. Éventuellement, ces changements ont été acceptés, mais le parcours n’a pas été facile!
Tout le domaine des relations de travail a été exigeant, fascinant, varié et nourrissant. J’ai eu l’occasion d’approfondir mes connaissances sur une grande variété de sujets passionnants. À titre d’exemple : la résolution de conflits; la conclusion des ententes pour régler des malentendus concernant les conventions collectives; l’amélioration des conditions de travail du personnel à temps partiel; l’intervention dans des situations de harcèlement en milieu de travail; et plusieurs autres sujets. Un dossier mémorable a été la poursuite intentée contre le gouvernement pour que les enseignantes obtiennent le droit d’un rachat de service de retraite pour les périodes de congé de maternité. Ce droit est maintenant inscrit dans la loi sur les pensions et c’est une belle récompense pour un travail accompli en équipe.
Dans l’ensemble, contribuer au redressement de l’injustice envers les francophones, les femmes, et les employés a toujours été une priorité dans ma vie professionnelle et comme bénévole.
Durant ces vingt-deux années au service du personnel enseignant à la MTS, j’ai été privilégiée d’avoir obtenu la confiance des membres. Je me souviens d’avoir fait de nombreux voyages en voiture partout au Manitoba, à toute heure de la journée, à la pleine lune et dans toutes sortes de conditions routières. Observer le changement des saisons et le progrès en agriculture m’a toujours fascinée. Je me suis rendue dans le nord de la province en petit avion pour mon travail. J’ai rencontré des membres du personnel enseignant dans diverses communautés, francophones et anglophones. J’ai eu de la chance de pouvoir travailler dans ma langue première! Notre sens de l’humour était toujours au rendez-vous!
Des évènements marquants dans ma vie
Chez environ quinze pour cent des femmes au Canada, le deuil de la maternité passe sous silence. Dans mon cas, faire le deuil d’avoir une famille en acceptant mon infertilité a été un grand défi. J’ai reconnu que les femmes sont en mesure de contribuer à la société et à la vie de famille autrement. Pour ma part, rassembler les
familles m’a aidée à accepter mon sort. Au fil des années, partager mes sentiments avec les familles et les amies m’a aidée à trouver la paix. J’ai la chance d’entretenir de belles relations avec mes neveux et nièces et leurs familles.
Un autre évènement marquant a été le décès de mon frère Léonard à l’âge de soixante-quatre ans, en 2016, d’un cancer agressif. Nous nous rendons compte de la fragilité de la vie et de l’importance de vivre pleinement chaque moment. Léonard est toujours très présent dans mon cœur.
La femme qui m’a le plus influencée
Parmi les femmes qui m’ont influencée, ma mère est la plus importante. Je pense souvent à son enthousiasme, son énergie et sa grande détermination. Maman était une personne résiliente qui nous a enseigné l’importance d’apprendre à se débrouiller. Forte, intelligente et travaillante, elle était totalement dévouée à ses enfants et à la réussite économique de la ferme. Elle partageait les travaux de la ferme. En même temps, elle participait activement aux organismes communautaires. Saint-Brieux et ensuite Saint-Norbert ont bénéficié de sa générosité. Dans tout ce qu’elle entreprenait, que ce soit cuisiner, confectionner des vêtements dernier cri, jardiner, coordonner des banquets, écrire des poèmes ou rédiger des articles pour la Liberté, elle faisait preuve de beaucoup de créativité. Le maintien de notre langue et culture lui était important et elle s’est assurée que nous soyons informés au sujet de l’histoire de nos ancêtres. Elle a toujours valorisé l’apprentissage à vie et sa croissance personnelle. Une foi inébranlable était au cœur de son être.
Maman croyait à l’importance d’assurer mon indépendance économique et de planifier l’obtention d’une bonne pension. Ses conseils à cet égard m’ont beaucoup influencée. En résumé, Maman, née en 1919, était une femme très avant-gardiste.
Situation de la femme en 2024
Depuis plusieurs décennies, la situation de la femme s’est améliorée au compte goutte en raison de l’action politique des femmes et de celles qui ont intenté des poursuites devant des tribunaux. Les femmes ont maintenant accès aux professions si les circonstances financières permettent de poursuivre des études universitaires. Cela dit, les femmes continuent d’occuper en majorité les emplois les moins rémunérés et valorisés en société. De plus, il existe toujours un plafond de verre qui empêche l’accès aux postes de direction dans les entreprises, les gouvernements, les conseils d’administration, en politique et en éducation. Il reste aussi à trouver les moyens d’enrayer le fléau de la violence conjugale.
Conseils aux jeunes femmes
Mes conseils sont guidés par mon vécu. Il est important d’apprendre à bien se connaître, à développer une bonne estime de soi, à s’affirmer et à devenir résiliente. Je vous encourage à choisir une profession qui nourrit vos passions. Faites un budget afin d’assurer votre indépendance financière, tout au long de votre vie. Nourrissez vos amitiés entre femmes, ne vous comparez pas aux autres, et surtout, évitez de jalouser les autres femmes. Soyez fières de vous-mêmes. Appuyez-vous les unes sur les autres à toutes les étapes de vos vies, et valorisez le rôle de mentor.
Assurez-vous de bien connaître l’histoire des droits des femmes et des francophones. En vous joignant aux divers organismes communautaires, vous serez bien placées pour influencer l’amélioration du sort des femmes et de la francophonie à l’avenir. Votre participation active fera que ces sujets demeurent toujours au premier rang des préoccupations.
Mariette Ferré, 50e des ÉFM, 2018. Collection privée.
Durant mes années professionnelles et à la retraite, j’ai siégé à divers conseils d’administration bénévoles à l’échelle pancanadienne et manitobaine : le conseil d’administration des Éducateurs et éducatrices francophones du Manitoba (cinq ans), le conseil d’administration d’Expériences Canada (SEVEC, cinq ans), la Canadian Association for the Practical Study of the Law (CAPSLE, cinq ans), le Comité des services en français, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (cinq ans); le Provincial Committee on the Status of Women (cinq ans), le Centre Renaissance Manitoba (trois ans), le Centre de santé du Manitoba (deux ans), la Maison Gabrielle-Roy (un an) et le CA des Intrépides (quatre ans).
Les années à la retraite sont merveilleuses, nous permettant de bénéficier des moments de qualité avec la famille et les amies. Mon mari, Tom Ulrich, et moi valorisons les rassemblements avec nos familles et nos amis ici et ailleurs. De plus, nous aimons beaucoup étoffer nos connaissances à travers nos voyages à l’international. Mes photos innombrables sont de précieux souvenirs !
Je suis enrichie par ma participation à deux cercles littéraires, l’un en français et l’autre en anglais. L’apprentissage de l’espagnol et la recherche généalogique sont des projets des plus ressourçants. De plus, je vis un immense bonheur en chantant comme membre de deux chorales, Les Blés au vent et les Intrépides.
En tant que femmes retraitées, nous cheminons dans cette belle étape de nos vies, en nourrissant les liens avec nos familles et nos amies.
Mariette Ferré, B. A, B. Ed, Maîtrise en éducation
Novembre 2024.