Les Belges au Manitoba

Les Belges au Manitoba

La Fanfare de la Cité de Saint-Boniface, "La fanfare belge" - SHSB16621

C’est à la fin du 19e siècle, et surtout grâce aux efforts de l’abbé Gabriel Cloutier, agent de colonisation de Mgr Alexandre-Antonin Taché, archevêque de Saint-Boniface, que les premiers Belges viennent au Manitoba. Quelques colons arrivent vers 1880 et se trouvent des emplois sur des fermes et dans les minoteries, les briqueteries, les dépôts de grains et les abattoirs de la province. Certains s’adonnent à la production laitière qui se développe à proximité de la ville de Winnipeg. Mais le premier grand groupe, quelque 200 personnes, émigrent au Canada en 1888 et s’établissent dans des paroisses rurales du Manitoba français, telles que Saint-Alphonse et la mission au sud qui deviendra Mariapolis, Swan Lake, Deloraine et la région de Sainte-Amélie et Sainte-Rose. Les terres agricoles du sud et de l’ouest du Manitoba s’adaptent bien à la culture mixte à laquelle les fermiers belges sont habitués.

En 1890, Louis Hacault, journaliste au Courrier de Bruxelles, entreprend un voyage de repos au Canada et enquête sur les conditions de vie des colons belges établis au Manitoba. Le récit de ses explorations et de son enquête prend la forme de lettres adressées au Courrier de Bruxelles qui seront publiées deux ans plus tard dans une brochure intitulée Les colonies belges et françaises du Manitoba. Notes de voyage au Canada en 1890. En 1892, avec son épouse et ses enfants, Louis Hacault vient s’installer parmi les premières familles belges de Bruxelles-des-monts (aujourd’hui Bruxelles), une nouvelle paroisse de la montagne Pembina qui vient de se détacher de Saint-Alphonse. La famille Hacault est accompagnée d’un prêtre belge, le père Gustave Willems, qui aura la charge de la paroisse. Le père Hubert Heynen, qui devient le premier prêtre résident de Bruxelles en 1899, y demeurera pendant plus de 47 ans.

Pour de nombreuses familles belges, le Canada offre l’occasion de cultiver de grandes étendues de terre qu’on ne retrouve guère dans les campagnes surpeuplées de l’Europe. Parmi les outils de propagande utilisés pour le recrutement de colons européens de langue française, les témoignages d’immigrants établis au pays sont peut-être les plus efficaces. C’est ainsi que le gouvernement canadien publie en 1894 une brochure intitulée Les Belges au Manitoba, comprenant des lettres de cultivateurs d’origine belge qui se sont fixés à Bruxelles, à Mariapolis et à Saint-Alphonse.

Au tout début de l’immigration belge au Manitoba, on retrouve beaucoup de Belges d’expression française, ou Wallons, dans les paroisses rurales ainsi qu’à Winnipeg, à Saint-Boniface et à Saint-Vital. Cependant, les efforts de recrutement des agents gouvernementaux au début du 20e siècle se concentrent davantage sur les cantons flamands du nord de la Belgique, donc l’immigration belge de langue française ne représente, dès 1930, que 25 % de l’immigration totale de la Belgique.

La Première Guerre mondiale a comme effet de ralentir l’immigration belge au Manitoba, une tendance qui ne se renverse qu’après la Deuxième Guerre mondiale. De plus la nouvelle vague d’immigrants comprend des gens plus éduqués et plus de personnes de provenance urbaine que la première vague.

À Saint-Boniface au début du 20e siècle, les familles belges sont concentrées dans un quartier qui longe la rivière Seine, et qui porte le sobriquet de « colonie belge » ou Belgian Town. C’est ici que l’on trouve le Club belge, fondé en 1905 dans le but d’offrir aux nouveaux venus un lieu de rencontre, de partage d’information et d’activités culturelles, sociales et sportives. L’édifice construit peu après la fondation du club abrite cet organisme depuis plus de 100 ans. Les billards, les parties de cartes, les soirées dansantes, les bingos, font du club le point central de la vie communautaire des Belges dans les années 20 et 30, et ces activités continuent pendant la Deuxième Guerre mondiale. Sur le boulevard devant le Club belge se trouve un monument inauguré en 1938 pour commémorer les soldats belges canadiens tués pendant la Première Guerre mondiale.

Les Belges d’expression française à Saint-Boniface s’intègrent facilement à la paroisse de la Cathédrale, mais dès 1914, on parle d’organiser une paroisse séparée pour les Flamands. Trois ans plus tard a lieu la bénédiction de la première église belge au Manitoba, l’église du Sacré-Cœur, rue Plinquet, au cœur de la « colonie belge ». Dans les années 30, alors que la paroisse est sous la direction du père Damas Van Dyck, un Capucin, on fait ériger le long de la rivière Seine à proximité de l’église une réplique exacte de la grotte de Notre-Dame de Lourdes, qui deviendra un lieu de pèlerinage touristique important. Le père Damas est également le maître d’œuvre du projet d’une credit union belge à Saint-Boniface en 1939. Au cours du 20e siècle Wallons et Flamands qui, malgré leurs différences de langue, gardent une cohésion d’esprit national, font sentir leur influence dans les affaires et dans l’administration municipale.

Ailleurs au Manitoba, là où il y a une concentration assez forte de familles belges, des prêtres parlant le flamand et le français sont envoyés pour subvenir aux besoins spirituels de cette population. Notons, entre autre, les paroisses françaises de Saint-Pierre, Sainte-Alphonse, Sainte-Rose-du-lac, Laurier et Grande-Clairière. À Bruxelles, le clergé est appuyé de religieuses de la congrégation des Ursulines de Tildonk, en Belgique, arrivées au début de la Première Guerre mondiale. Leur couvent bâti en 1914 deviendra la maison-mère canadienne de cette communauté religieuse.

Le groupe belge apporte avec lui des traditions culturelles et sportives dont certaines sont uniques au Manitoba. En plus des fanfares, à Bruxelles, à Saint-Boniface et dans les autres collectivités, il y a le jeu de boules, le cyclisme, les courses de pigeons et le tir à la perche, qui se pratiquent tant dans les régions rurales qu’urbaines. L’influence du groupe se fait aussi ressentir au niveau de la presse. Entre 1913 et 1922 il y a trois petites feuilles libérales, publiées en anglais, en français et en flamand, à Saint-Boniface. Ces journaux témoignent de l’importance du groupe belge au sein de la société saint-bonifacienne.

Texte rédigé par l’équipe de départ responsable de la réalisation d’Au pays de Riel, début des années 2000.

Texte révisé en 2022.

Bibliographie

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1914 Bruxelles 1964 Ursulines, s.l., s.n., 1964.

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