Le club de raquettes «Le Voyageur»

Le club de raquettes «Le Voyageur»

Club de raquettes - MSB 0077
Le voyageur, personnage célèbre de la traite des fourrures de l’Ouest canadien, semble avoir été immortalisé par la grande fête hivernale de Saint-Boniface qui marque déjà plus de 50 années d’existence. Cependant, le Festival du Voyageur n’est pas le premier regroupement de Franco-Manitobains à tirer son inspiration ainsi que son nom du voyageur.

En décembre 1885, un groupe de jeunes gens sportifs et enthousiastes de Saint-Boniface, qui font déjà depuis quelques années des excursions régulières en raquettes, décident d’organiser un club de raquettes qu’ils baptisent « Le Voyageur ». La raison d’être du nouvel organisme est clair:

« nos hivers canadiens, malgré leurs froids excessifs et leurs longues durées, ont encore bien des charmes. Comme la raquette a toujours été un des amusements favoris des nôtres, il était bien naturel que nos jeunes gens, soucieux de conserver intacte au Manitoba les vieilles traditions nationales, décidèrent dans les premiers jours de l’hiver de 1885 de fonder un club de raquettes. » 1

Le club a comme devise crescit eundo – croissance avec le mouvement. Son but principal est de regrouper les amateurs du sport de la raquette pour des excursions régulières au cours de l’hiver. Parmi ses membres, dont le nombre se chiffre à une cinquantaine dès la deuxième saison, on retrouve des notaires, des commerçants, des étudiants, des hommes de tout âge qui désirent jouir davantage de ce sport d’hiver qui devient de plus en plus populaire au Manitoba. Pour la majorité des jeunes franco-manitobains, faire des excursions en raquettes n’est plus une activité quotidienne nécessaire, mais plutôt un loisir!

En 1899, le club se constitue en société. « Le Voyageur » est géré par un comité exécutif et tient des assemblées régulières. Les intéressés doivent faire demande d’adhésion par écrit et verser une cotisation d’un dollar. Les noms des membres aspirants passent au scrutin devant les « anciens » lors d’une assemblée générale. Ils doivent ensuite subir un rite d’initiation qui comprend le « bounçage » et la boxe. Ces jeux et ces compétitions de force et d’agilité font régulièrement partie des activités qui suivent les excursions ou tramps hebdomadaires.

Les excursions en raquettes sont dirigées par un capitaine ou chef de file élu par les membres, qui assure la direction de la marche et l’observation de l’ordre. Du point de départ à l’angle des rues Provencher et Taché, les membres du club, portant le costume traditionnel du voyageur, se dirigent sur une distance de cinq à six milles (huit à dix km) vers les régions plus boisées des rivières Rouge et Seine. Ils s’arrêtent parfois pour boire du thé à la chaleur d’un feu de camp. Souvent « le Voyageur » s’unit, soit comme hôte, soit comme invité, aux autres clubs d’amateurs de raquettes, pour une excursion conjointe.

Les excursions hebdomadaires sont suivies, sans faute, d’un repas pour les sportifs affamés, et d’une soirée animée de chants, de danse, de jeux et de musique. Le ton devient un peu plus sérieux lorsqu’on y ajoute une lecture de la poésie de W.H. Drummond comme The Voyageur ou The Last Portage. Au début, ces soirées ont lieu dans les hôtels Beauregard et Mondor, et à partir de 1900, dans une salle à l’étage du bloc « Le Bazar » (rue Dumoulin) de Jean-Baptiste Leclerc.

Après cinq années d’existence, le club de raquettes perd son premier élan et cesse ses activités. À la fin du 19e siècle, il y a pendant quelques années un nouvel essor d’enthousiasme pour le sport. Mais c’est en 1909 que « Le Voyageur » démarre à nouveau et prend de l’ampleur, les rangs des anciens étant renforcis par une nouvelle génération de jeunes gens sortis du Collège. C’est l’époque des courses et des concours, où les grands vainqueurs remportent chaque année une série de coupes réservées aux meilleurs athlètes ou aux plus fidèles participants.

Le nombre de clubs de raquettes à Winnipeg et à Saint-Boniface se multiplie rapidement alors que le sport gagne en popularité. Par 1910, plusieurs clubs, y compris « Le Voyageur » sont membres de l’Union canadienne des raquetteurs ainsi que du Manitoba Snowshoers Association. On organise des courses champêtres annuelles entre les meilleurs des divers clubs. Dès 1912, il y a des courses pour femmes au programme de l’association provinciale, bien que « Le Voyageur » n’ouvre pas ses portes aux femmes avant la Deuxième Guerre mondiale.

« Le Voyageur » occupe une place d’importance dans la société saint-bonifacienne. Comme beaucoup d’autres organismes, le club jouit de l’appui et de l’approbation du clergé et, parmi ses membres, on trouve toujours un aumônier, nommé par l’archevêque. Rallié autour de son étendard, le groupe se distingue facilement par ses costumes de couleurs gais lors de défilés ou de fêtes communautaires. Les membres du club participent aussi à des œuvres de charité, faisant revivre chaque décembre l’ancienne tradition de la Guignolée.

Le club se fait également connaître à l’extérieur du centre urbain, organisant des randonnées en milieu rural où les membres sont bien accueillis par le curé et les paroissiens.

En 1935, le club de raquettes « Le Voyageur » fête son cinquantenaire avec un banquet et une programmation spéciale. Il avait atteint son apogée. Lors de la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs jeunes membres doivent quitter Saint-Boniface et les activités du club sont mises en veilleuse. L’intérêt pour le sport de la raquette diminue à la fin des années 1940, alors qu’il est éclipsé chez les jeunes par le ski. Une dernière grande fête « des anciens » en mai 1949 souligne les 65 ans d’existence d’un club de raquettes à Saint-Boniface. « Le Voyageur » semble avoir cessé complètement ses activités vers 1955.

Texte adapté de l’article de Lynne Champagne, « Le Club de raquettes « Le Voyageur » », Bulletin de la Société historique de Saint-Boniface, hiver 1989, p. 3-4

1 Alexandre La Rivière, « Histoire du Club de raquettes « Le Voyageur » », Le Manitoba, 9 avril 1913, p. 3

Texte rédigé par l’équipe de départ responsable de la réalisation d’Au pays de Riel, début des années 2000.

Texte révisé en 2022.

Bibliographie

CHAMPAGNE, Lynne. « Le Club de raquettes « Le Voyageur » », Bulletin de la Société historique de Saint-Boniface, hiver 1989, p. 3-4.
« Histoire du club de raquettes « Le Voyageur » », Le Manitoba, 20 février 1924, p. 4.

LA RIVIÈRE, Alexandre. « Histoire du Club de raquettes « Le Voyageur » », Le Manitoba, 9 avril 1913, p. 3.

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