La ceinture fléchée

La ceinture fléchée

Pavillon canadien-français 2004 - SHSB68139

La ceinture fléchée est un emblème qui revient à plusieurs reprises dans l’histoire francophone et métisse. Cette longue bande tissée de laine multicolore peut mesurer jusqu’ à 10 pouces (25 cm) de largeur et 110 pouces (2,80 m) de longueur [1] . Plaisante aux yeux et apte à de nombreuses utilités, elle fait partie de notre passé depuis longtemps.

Parmi les objets muséaux, nous retrouvons des ceintures âgées de trois cents ans, parfois composées de matériel autre que la laine, tel que du fil de soie [2]. Nous sommes portés à croire, par des témoignages, que des ceintures tissées à doigt (de motifs variés mais pas du style fléchée comme nous le connaissons aujourd’hui) remontent même à l‘époque précédant la colonisation européenne de ce pays. Il y eut un temps au 17e siècle où cette ceinture iconique était, pour l’étudiant du Séminaire de Québec, un accessoire quotidien. Le voyageur pour sa part en fut captivé et la trouva très pratique [3]. La Compagnie du Nord-Ouest commença donc à en acheter pour vendre à ses engagés et à sa clientèle, et la Compagnie de la Baie d’Hudson suivit à son tour cet exemple [4]. De nos jours nous avons en tête une image très spécifique de la ceinture fléchée portée par les voyageurs, mais il faut clarifier qu’une ceinture de couleur rouge solide tissée par l’entremise d’un métier était beaucoup plus répandue que la ceinture fléchée multicolore fabriquée à la main que nous tenons tellement à cœur. Ces ceintures simples écarlates sont devenues nombreuses sur le marché parce qu’elles étaient fabriquées en masse par les grandes compagnies de fourrures.

Le voyageur n’avait qu’à entourer sa taille deux fois d’une ceinture pour qu’elle lui soutienne le dos contre la fatigue du portage et du maniement de la pagaie. Elle agissait aussi comme ceinture pour renfermer le capot lors des jours froids d’hiver, le protégeant ainsi contre le vent, la pluie et la grêle [5]. De plus, le voyageur pouvait l’utiliser pour porter ses outils de travail. Bien connue pour sa durabilité et sa fabrication robuste, cette ceinture était parfois cirée afin de la rendre imperméable [6]. Dans certains cas, les voyageurs pouvaient même l’utiliser comme louche improvisée pour ramasser de l’eau. Cette commodité était portée par la grande majorité des voyageurs pour ajouter à leur confort et à leur sécurité lorsqu’ils transportaient leurs charges [7]. Les canotiers, les raquetteurs et même certains membres de la classe bourgeoise, pour des raisons de mode, se procuraient ces accessoires à la fois jolies et utiles.

Les peuples autochtones trouvaient la ceinture fléchée attrayante [8] et elle est devenue un article de commerce majeur aux postes de traite [9]. Les plus populaires chez les autochtones étaient décorées de couleurs vives, parfois perlées et d’un motif esthétique. Les couleurs plus souvent employées furent le rouge, le bleu, le vert, le jaune et le blanc [10] créées avec des teintures minérales et végétales éclatantes [11]. Puisque tous les motifs provenaient d’origines régionales différentes, une ceinture pouvait donner un indice de l’histoire de son porteur [12]. Bien que pratiques, certaines ceintures étaient d’une beauté artistique que l’on portait uniquement au temps des Fêtes et lors d’occasions spéciales [13].

La création d’une ceinture fléchée tissée traditionnellement à la main requérait beaucoup de temps et de patience. Les femmes de la région de L’Assomption, Québec étaient les tisserandes principales de cet artisanat [14] et elles travaillaient de longues heures pour fabriquer ces véritables œuvres d’art. Souvent, les enfants, aussi jeunes que sept ans, apprenaient à tisser suivant l’exemple de leur mère. Puisqu’il y avait une grande demande pour les ceintures fléchées, les tisserandes commençaient leur travail le matin et elles continuaient jusqu’au soir (même tard dans la nuit). En effet, au cours des années, et face à la concurrence des ceintures fabriquées par des moyens industriels à la demande des grandes compagnies) elles remarquèrent que leur travail ne se faisait pas récompenser justement, et en 1890, par le conseil du curé Tancrède Viger, elles cessèrent la fabrication de la ceinture fléchée.

Le tissage mécanique de la ceinture fléchée combla donc entièrement ce vide, mais on remarqua que la qualité de ces ceintures n’était pas égale à celle des ceintures tissées à la main [15].

L’art du tissage à la main de la ceinture fléchée fut presque éteint avec le temps. Par contre, certaines personnes ont décidé de reprendre en main la fabrication de notre ceinturon bien-aimé et d’en passer la tradition aux nouvelles générations. De nos jours, les ceintures que nous portons avec fierté représentent l’histoire de nos ancêtres des Premières Nations, Canadiens-français et Métis.

[1] Parle-moi de la ceinture fléchée, Monique Le Blanc, La Corporation des Éditions Fides (1977), p. 70

[2] Le fléché Françoise Bourret et Lucie Lavigne, Les éditions de l’homme (1973), p. 20

[3] Le fléché (p. 18)

[4] Ceinture fléchée (p.54)

[5] Parle-moi de la ceinture fléchée (p.15)

[6] Le fléché (p. 18)

[7] Parle-moi de la ceinture fléchée (p.15)

[8] Parle-moi de la ceinture fléchée (p.16)

[9] Ceinture fléchée, Marius Barbeau, Édition l’étincelle (1973), (p.54)

[10] Parle-moi de la ceinture fléchée (p.15)

[11] Ceinture fléchée (p.55)

[12] « Le plaisir de se serrer la ceinture fléchée! », Anie Cloutier, 14 février 1997, La liberté, (p.12)

[13] Le fléché (p.18)

[14] Parle-moi de la ceinture fléchée (p.16)

[15] Le fléché (p.18)

Patrimoine des Prairies