L’École des infirmières/infirmiers de l’Hôpital Saint-Boniface

D’un siècle à l’autre, d’une vocation à une profession

Carte postale montrant l’Hôpital Saint-Boniface vers 1916 annotée par l’étudiante Jessie Morrison. Photo : SBRNAA.

Pendant un siècle, l’École des infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface a formé des générations d’infirmières, et plus tard d’infirmiers, et a joué un rôle essentiel dans le développement de la profession et du système de santé au Manitoba.

En 1897, les Sœurs grises, directrices de l’Hôpital Saint-Boniface, fondent une école de « garde-malades », comme étaient appelées les infirmières à l’époque. Ainsi commence l’histoire de l’École des infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface, une aventure qui durera cent ans, une histoire qui restera à jamais gravée dans la mémoire de l’Hôpital et de la profession infirmière au Manitoba.

Dès ses débuts, l’école acquiert une réputation d’excellence en matière de formation en soins infirmiers au Manitoba comme au Canada. À partir des années 1980, l’École des infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface est graduellement incorporée à la Faculté des sciences infirmières de l’Université du Manitoba avant d’officiellement fermer ses portes en 1997. Au cours de ses cent années d’existence, plus de cinq-mille étudiantes et étudiants auront profité de l’enseignement hors pair et de l’expertise des sœurs et du personnel enseignant et soignant de l’Hôpital Saint-Boniface.

 

Historique de l'école

Dès leur arrivée en 1844 sur les rives de la rivière Rouge, aujourd’hui le cœur de Saint-Boniface, les Sœurs grises s’occupent des malades et des démunis, comme le veut leur mission. En 1871, le tout jeune gouvernement provincial du Manitoba reconnait leur travail indispensable et leur accorde une subvention pour ouvrir un hôpital, le premier de l’Ouest canadien.

Les sœurs œuvrant à l’hôpital devant l’ancienne entrée (1922). Photo : Hôpital Saint-Boniface

Les sœurs œuvrant à l’hôpital devant l’ancienne entrée (1922). Photo : Hôpital Saint-Boniface

Les sœurs sont à la fois responsables de l’administration de l’hôpital et des soins infirmiers. Le nombre de patients ne cessant d’augmenter au fil des années, médecins et sœurs doivent offrir une formation pratique à d’aspirantes infirmières pour pouvoir subvenir à la charge de travail devenue trop importante. Cependant, l’évolution de la médecine exige désormais un savoir et des compétences qui relèvent de la science. Les médecins réclament donc des infirmières diplômées.

C’est sœur Victoire Parent qui est chargée de mettre sur pied un programme d’enseignement théorique et pratique qui mène à l’obtention d’un diplôme après deux années d’études. Le 14 février 1898, le docteur John A. McArthur entame le premier des cours qui seront donnés aux jeunes femmes et aux sœurs infirmières travaillant déjà à l’hôpital.

Sœur infirmière militaire non identifiée, probablement Agnes McPherson (promotion 1913). Photo : Library and Archives Canada Photo, MIKAN_No._3194834

Sœur infirmière militaire non identifiée, probablement Agnes McPherson (promotion 1913). Photo : Library and Archives Canada Photo, MIKAN_No._3194834

Extrait du Code déontologique pour la profession infirmière (1953). Photo : SBRNAA

Extrait du Code déontologique pour la profession infirmière (1953). Photo : SBRNAA

L'admission

En 1898, le premier règlement des infirmières stipule que les nouvelles étudiantes sont soumises à une période de probation de trois mois avant d’être acceptées au programme de deux ans. L’uniforme est fourni gratuitement aux infirmières étudiantes. Les diplômées ont droit à un ruban de velours noir pour leur coiffe et à 30 $ à la fin de la deuxième année.

Au cours des années, la période de probation varie légèrement, passant à deux puis à quatre mois. L’étudiante est responsable de se procurer son uniforme de probationnaire, l’hôpital fournissant uniquement l’uniforme blanc une fois la période de probation terminée, et l’étudiante acceptée. L’uniforme de travail de la « probie » avant la Deuxième Guerre mondiale se compose d’une robe bleue, d’un tablier blanc et de chaussures noires; elle ne porte pas de coiffe. L’hôpital fournit uniquement l’uniforme blanc une fois la période de probation terminée, et l’étudiante acceptée au programme.

Avec les années, les exigences d’admission changent selon les besoins et se précisent. En 1918, il s’agit d’être en bonne condition physique, d’envoyer une lettre de recommandation, d’avoir une bonne éducation en anglais et de posséder les habiletés nécessaires à la profession. La bonne santé des infirmières est une constante dans les conditions d’admission, compte tenu de l’environnement de travail. Sur une circulaire de 1939, l’admission requiert entre autres un certificat de bonne santé, des dents saines et une vaccination à jour. Une radiographie thoracique sera faite à l’hôpital. Les étudiantes qui tombent malades sont soignées gratuitement (nous sommes bien avant l’assurance-maladie universelle).

Extrait du formulaire d’admission, 1941. Photo : SBRNAA

Extrait du formulaire d’admission, 1941. Photo : SBRNAA

Une brochure d’admission de 1941 stipule des exigences liées à l’âge, à la santé, et au niveau d’éducation. Des lettres de recommandation d’un docteur et d’un ecclésiastique (sans distinction de religion) et une lettre d’intention de la candidate sont aussi requises.

Les frais d’admission et les dépenses sont assez raisonnables compte tenu du fait que les étudiantes sont logées et nourries. Par exemple, en 1941, on demande 65 $ pour les manuels, la cape, l’épinglette, les radiographies et les produits d’hygiène, et 40 $ pour douze uniformes et deux paires de chaussures. En 1956, il en coute au total 150 $. Dans les années soixante-dix, quand la résidence n’est plus obligatoire, les frais d’admission sont de 400 $ pour deux ans, et incluent les manuels, les uniformes, les frais de collation des grades, sans résidence ni repas.

Lettre d’admission, 1954. Photo : SBRNAA

Lettre d’admission, 1954. Photo : SBRNAA

Les études
Épinglette de la Manitoba Association of Registered Nurses (MARN). Photo : Musée de Saint-Boniface

Épinglette de la MARN. Photo : Musée de St-Boniface

Le programme est de deux ans à l’ouverture de l’École, passe à deux ans et demi en 1908, puis à trois ans en 1914 pour s’aligner avec le programme de la seule autre école d’infirmières du Manitoba, celle du Winnipeg General Hospital, puisque dorénavant la profession est régie par la Manitoba Association of Registered Nurses (MARN).

En 1968, le programme réduit à deux ans et demi, et finalement à deux ans, en 1970. Il en restera ainsi jusqu’à la fermeture de l’École.

La note de passage minimale est 60 %. Deux échecs valent le renvoi de l’étudiante. Les étudiantes sont aussi notées sur la partie pratique de leur travail avec les patients. À la fin du programme, les notes sont compilées pour attribuer les médailles d’excellence.

Page du livret Règles et règlements en vigueur de la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1950. Photo : SBRNAA

Page du livret Règles et règlements en vigueur de la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1950. Photo : SBRNAA

Comme le montre la brochure Rules and Regulations à propos du comportement attendu de la part des étudiantes, les sœurs suivent des règles très strictes et se réservent le droit de renvoyer toute étudiante qu’elles jugent inapte à la profession, ou pour inconduite, incompétence, etc. Les règles ne changent que très peu entre les deux guerres, et jusqu’à la fin des années 1950. Cette brochure est en vigueur de l’après-guerre jusqu’aux années 1950.

L’uniforme représentant l’image de la profession, de l’École et de l’Hôpital, l’étudiante doit le porter avec respect, c’est-à-dire qu’il doit être complet quand porté en public, et ne doit pas être porté à l’extérieur de l’hôpital et de la résidence, à moins d’obtenir une permission spéciale.

La coiffe est remise à la fin de la période de probation lors d’une cérémonie à la chandelle. La dernière cérémonie de la coiffe se tient en 1960, car la coiffe se porte désormais dès le début de l’inscription.

Tels les galons de l’uniforme militaire, la bande sur la coiffe indique le niveau de formation : bleue pour signifier la fin de la première année, la bande jaune, pour la deuxième, et noire pour les diplômées. Le bleu et le jaune ont été repris dans le blason de l’École.

Étudiantes en uniforme, avec et sans cape, 1946. Photo : SBRNAA

Étudiantes en uniforme, avec et sans cape, 1946. Photo : SBRNAA

Messe pendant la cérémonie de la chandelle lors de la remise de la coiffe. ASGM_L031-44-013-SBGH

Messe pendant la cérémonie de la chandelle lors de la remise de la coiffe. ASGM_L031-44-013-SBGH

 

La vie étudiante
Curriculum, 1957. Photo : SBRNAA

Curriculum, 1957. Photo : SBRNAA

Les étudiantes catholiques doivent parfois se lever aussi tôt que 5 h 30 du matin pour aller à la messe. La messe est obligatoire pour les étudiantes catholiques, et la prière avant le petit-déjeuner pour toutes les dénominations.

Durant les six premiers mois du programme, les étudiantes ne travaillent pas à l’hôpital la fin de semaine. Entre six et huit semaines de vacances (selon les années) sont autorisées pour le programme de trois ans. Les étudiantes ont un après-midi de congé par semaine. Elles doivent recevoir la permission écrite des parents pour passer la nuit à l’extérieur de la résidence un maximum d’une fois par mois.

Le couvre-feu est très strict pour ces jeunes femmes. Les portes de la résidence ferment à 10 heures, pendant plusieurs années, puis à 10 h 30, dans les années cinquante, avant que cette politique soit révoquée en 1969. Une fois par mois, les étudiantes peuvent demander une permission pour rentrer à minuit.

Le travail de nuit nécessite un temps d’adaptation considérable. Le manque de sommeil gagne la plupart, car les étudiantes suivent les cours de jour en même temps qu’elles sont affectées au quart de travail de douze heures qui n’inclus qu’une période de repos de deux heures. Au cours des années soixante, la durée du travail de nuit se réduit de minuit à 7 h 30. Les étudiantes peuvent dormir jusqu’à 15 h 30 après leur quart de nuit, à moins que des cours soient au programme.

ASGM_L031-45-09-SBGH

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Archives de la SHSB, Fonds Soeurs Grises du Manitoba, SHSB57013

Archives de la SHSB, Fonds Soeurs Grises du Manitoba, SHSB57013

La remise des diplômes

Bien que l’admission se fasse deux fois par année, la remise des diplômes d’une même année se célèbre ensemble. Une cohorte reçoit alors le diplôme avant même la fin des cours. Dès les premières années, les sœurs organisent cette cérémonie de façon fastueuse. Souvent, l’archevêque de Saint-Boniface y est présent, ainsi que plusieurs docteurs, qui remettent les médailles d’excellence. Évidemment, une place est faite à la famille des diplômées.

Les premières cérémonies se déroulent au Collège Provencher, mais les promotions devenant de plus en plus grandes, le Collège Saint-Boniface prend la relève, pour finalement nécessiter l’espace des grandes salles de Winnipeg, telles que le Centennial Hall. Au cours de son existence, l’École a octroyé plus de 5000 diplômes.

Les examens pour obtenir le titre d’infirmière autorisée sont passés à l’Université du Manitoba, et sont indépendants du programme de diplôme, qui, lui, ne donne pas automatiquement le titre d’infirmière autorisée. Après la réussite du programme, il faut donc aussi réussir l’examen du Manitoba Association of Registered Nurses. À partir des années cinquante, la Province du Manitoba exige même la réussite d’examens préliminaires dès la première année.

 

Diplômées, 1907. Photo : SBRNAA

Diplômées, 1907. Photo : SBRNAA

Le premier diplôme de l’École des infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface, 1907. Photo : SBRNAA

Le premier diplôme de l’École des infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface, 1907. Photo : SBRNAA

 

Les évènements saillants de l'école

1897 – L’École des infirmières est fondée.
1899 – La première année de finissantes (trois des cinq premières étudiantes reçoivent leur diplôme)
1905 – St. Boniface Registered Nurses’ Alumni est créée.
1914 – Le programme d’études devient un programme de trois ans avec une probation de quatre mois.
1927 – Construction de l’École des infirmières
1954 – Le bâtiment de l’École est agrandi.
1966 – Les personnes mariées et les hommes sont maintenant acceptés; les étudiants ne sont plus tenus de vivre dans la résidence.
1968 – Le programme d’études devient un programme de deux ans et demi.
1970 – Le programme d’études devient un programme de deux ans.
1995 – Les inscriptions programme du diplôme en soins infirmiers de l’École est fermée. Dernière remise de diplômes par l’École.
1995-1997 – Les derniers diplômés de l’École reçoivent le grade de bachelier de l’Université du Manitoba.
1997 – Fermeture officielle et définitive de l’École

Dernière remise des diplômes en 1995. Photo : SBRNAA

Dernière remise des diplômes en 1995. Photo : SBRNAA

 

Bibliographie

Publications :

  • Hôpital général Saint-Boniface. (2008). Tradition, innovation et inspiration depuis 1871 : un bref historique de l’Hôpital général Saint-Boniface.
  • La Liberté.
  • McPherson, K. (1996). Bedside Matters: The Transformation of Canadian Nursing, 1900-1990.
  • Le Métis.
  • St. Boniface General Hospital. (2008). Tradition, Innovation & Inspiration since 1871: A Brief History of St. Boniface General Hospital.
  • The Winnipeg Tribune.

Archives :

  • Archives des Soeurs Grises du Manitoba : Chroniques des Sœurs grises du Manitoba et de l’Hôpital général Saint-Boniface.
  • Archives de la St. Boniface Registered Nurses’s Alumni Association (SBRNAA) :
    • Procès-verbaux;
    • Rules and Regulations;
    • Echoes of the Glee Club (annuaires);
    • Estote Fideles (annuaires);
    • Archives personnelles d’infirmières; et
    • Documents d’admission de l’École des infirmières.

Pour obtenir des informations au sujet de l’Association des anciennes et anciens de l’École des infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface, cliquez sur le bouton ci-dessous.

Publié en automne 2023.

Nous remercions Annie Langlois qui a fait la recherche et la rédaction des textes, ainsi que les membres de la St. Boniface Registered Nurses’ Alumni Association pour leur contribution et appui financier.

La résidence étudiante, après 1939 - SHSB9821

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