Petite histoire de l’informatique à la Société historique de Saint-Boniface (SHSB)
Du clavier au nuage 1980-2023
Par Gilles Lesage
Publié en octobre 2023 à l’occasion du 25e anniversaire du Centre du patrimoine
Introduction
L’environnement dans lequel s’est développée l’implantation de l’informatique à la SHSB peut se comprendre en prenant, par exemple, ce simple fait en considération : « Les microprocesseurs sont cadencés par un signal d’horloge (signal oscillant régulier imposant un rythme au transfert entre circuits). Au milieu des années 1980, ce signal avait une fréquence de 4 à 8 MHz. Dans les années 2000, cette fréquence atteint 3 GHz (quelque 3 milliards d’opérations à la seconde). Plus cette fréquence est élevée, plus le microprocesseur peut exécuter à un rythme élevé les instructions de base des programmes, mais plus la qualité des bus doit être soignée et leur longueur adaptée à la fréquence. » Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Microprocesseur, consulté le 20 mars 2020. Les microprocesseurs Intel atteignent aujourd’hui (2023) 4,3 à 4,5 GHz.
À la SHSB, le progrès de l’implantation de l’informatique dépendait directement des progrès technologiques et de leur cout. Le cout des nouveautés mises sur le marché était très élevé au départ. À mesure que le volume de production augmentait et que l’usage se répandait de plus en plus, le prix d’achat de l’équipement devenait plus abordable. Dans ce contexte, l’implantation de l’informatique à la SHSB accusait toujours un retard dans la mesure où la mise en marché des nouveautés technologiques prenait un certain temps à atteindre le niveau d’utilisation requis pour rendre les prix abordables.
En 1983, lors de mon entrevue comme candidat à la direction générale de la SHSB, j’avais soulevé la question de la pertinence de l’informatique dans les archives et j’avais demandé si elle était envisagée dans les plans d’avenir de la SHSB. La question m’était venue du fait d’avoir pris connaissance du développement de SAPHIR, un outil de recherche informatique développé en 1979 par les Archives nationales du Québec (devenu depuis Bibliothèque et Archives nationales du Québec). Les développements se sont poursuivis. En 1994, PISTARD remplace SAPHIR. En 2019, PISTARD et IRIS (catalogue informatique des imprimés) ont été fusionnés dans une plateforme unique, ADVITAM.
Les premières armes (1985-1986)
L’informatique à la SHSB (1985-1986) débute avec l’entrée dans une base de données des descriptions de photographies de la collection générale de la SHSB. À ce moment-là, il fallait utiliser le macroordinateur ou « main-frame » du Collège universitaire de Saint-Boniface (CUSB). Le personnel en informatique du CUSB avait créé le programme et une étudiante, dans le cadre d’un programme d’emploi d’été, avait entré les données et imprimé l’ensemble de ces entrées. La consultation devait se faire en se rendant dans la salle d’informatique du CUSB ou en consultant la copie imprimée.
C’est aussi en 1985-1986 que la SHSB fait la première acquisition d’un ordinateur portatif. À ce moment-là, l’ordinateur venait accompagné du programme d’exploitation MS-DOS et d’un manuel assez épais. C’était l’époque des disquettes ou disques souples (floppy disk) de 13,34 cm (5,25 pouces). Il fallait une certaine connaissance de la programmation pour installer les logiciels que l’on voulait utiliser. Quelques années plus tard, l’installation se faisait à partir de disquettes de 8,88 cm (3,5 pouces) ou de disques compacts (CD). Ils étaient aussi accompagnés de manuels imprimés qui donnaient les instructions d’installation et de déploiement. Enfin, dans les années 2010, la plupart des programmes s’obtenaient par téléchargements fluides et transparents à partir du fournisseur pour en venir à ce qu’il soit possible d’accéder directement à des applications logicielles Web (comme Photoshop).
De plus, les logiciels devenaient progressivement plus lourds (plus volumineux) et exigeaient que les équipements soient mis à niveaux afin d’avoir des disques durs contenant suffisamment de mémoire pour l’installation des logiciels et de mémoire vive (RAM) pour permettre le fonctionnement et la manipulation des données requis pour l’utilisation des logiciels. Il fallait aussi que les disques durs entreposent de plus en plus de données créées ou entrées dans les bases de données et dans d’autres applications logicielles.
Le traitement de texte et le chiffrier (1986-1990)
En 1986-1987, le traitement de texte a été la prochaine application à faire son apparition à la SHSB. Par l’entremise du CUSB, la SHSB a eu accès à son premier logiciel de traitement de texte appelé Textor, un logiciel de la société française Talor. À partir de 1998, c’est WordPerfect qui a été utilisé pendant plusieurs années. En ce qui a trait aux applications de chiffriers, c’est l’application Lotus 1-2-3 qui a été adoptée au début, en particulier grâce à Luc Dauphinais, qui l’utilisait pour la production de tableaux et de feuilles de calculs associés au projet d’histoire de Saint-Boniface.
La comptabilité
La SHSB utilisait un service externe de production de rapports financiers, Compushare, au cours de la deuxième moitié des années 1980. Les entrées étaient faites à la main dans un registre papier. Une copie du registre était envoyée à une compagnie qui entrait les données dans un ordinateur qui générait un rapport numériquement et le transmettait en copie imprimée. La paie se faisait manuellement.
Avec l’arrivée d’Alfred Fortier à la direction de la SHSB en 1990, la comptabilité informatisée a été introduite en utilisant le logiciel AccPacc. Une firme externe, Comcheq, assurait le service de la paie. À partir de l’année 2002, les services de comptabilité et de paie ont été transférés à des services externes, la comptabilité à la Société franco-manitobaine (aujourd’hui la Société de la francophonie manitobaine) où Gaëtanne Morais assurait ce service. Avec le temps, la paie a été confiée à Ceridian.
L’élargissement des applications (1990-2001)
Toujours sous la direction d’Alfred Fortier, deux logiciels ont pris beaucoup d’importance. La base de données PcFile permettait de créer des bases de données pour la généalogie (par exemple les entrées des registres sacramentaux), pour les Voyageurs (les entrées des contrats de Voyageurs), pour les descriptions de photographies, pour les descriptions d’archives, pour les microfilms, pour le catalogue de la bibliothèque de la SHSB et de la Bibliothèque Nationale de l’Archevêché, et plusieurs autres applications du genre.
De plus, le logiciel Brother’s Keeper a été adopté, ce qui a permis de mettre en place la production d’arbres généalogiques et de livres généalogiques. Au cours des années, des mises à jour ont amélioré les caractéristiques et le fonctionnement de ce logiciel. Compte tenu des entrées de plus en plus nombreuses, il devenait possible de miser sur une ressource généalogique de plus en plus performante. En outre, le nombre toujours croissant de demandes de recherches généalogiques occasionnait des vérifications répétées des données. Ces vérifications permettaient de faire des contrôles de qualité et d’améliorer la fiabilité des données de Brother’s Keeper.
C’est aussi grâce à ces logiciels qu’Alfred Fortier a été en mesure d’offrir des livres généalogiques aux clients qui le demandaient, de produire des preuves d’ascendance métisse et de développer des projets de recherche en collaboration avec le Métis Ressource Center.
Enfin, en 1997-1998, le premier site Web de la SHSB est créé. À ce moment-là, le site est élémentaire, permettant surtout une présence sur le Web, encore jeune. Rappelons que le premier site Web a été créé en 1991 par Tim Berners-Lee de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN). En effet, le « Web était composé d’une cinquantaine de serveurs au début de l’année 1993, et de plus de 500 à la fin de l’année. Le nombre de sites Web a explosé, passant de 10 sites en 1992, à 130 au milieu de l’année 1993, puis 2 738 en 1994. La barre d’un million de sites Web est alors dépassée en 1997. » (https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/internet-web-30-ans-quatre-grandes-phases-son-evolution-75312/) Selon Google, au 12 juin 2023, plus de 1,98 milliard de sites Web sont en ligne.
Durant ces premières années, la mémoire vive des ordinateurs est encore assez limitée. La connexion Web est à bas débit. La capacité limitée des ordinateurs, des fureteurs et des logiciels ne permettait pas de créer des pages WEB élaborées ou d’effectuer des recherches très efficaces à l’Internet. Avec le temps, la situation change. En particulier, le 4 septembre 1998, Google est né (il y a 25 ans en 2023).
L’usage du courriel a aussi fait son entrée. Si le premier courriel fait son apparition en 1965, ce n’est qu’en 1992 que la première version de Microsoft Outlook est lancée. Puis en 1997, avec Outlook 97 et Internet Explorer 4, les courriels et le furetage deviennent monnaie courante. Dès 1998, 36 739 000 machines sont connectées sur Internet; en 2006, il y en a 439 268 364 qui le sont. (https://www.dolist.com/blog/strategie-email-digitale/histoire-de-email-evolution-et-dates-cles/)
C’est dans ce contexte que la SHSB prend conscience en 1996 de l’importance de tenir compte de l’informatique dans l’élaboration des plans de construction du nouveau centre d’archives en voie de réalisation, le Centre du patrimoine.
Peu après le déménagement dans le Centre du patrimoine (1998), le fait d’avoir en place un réseau informatique a permis l’installation des systèmes d’exploitation Windows associés aux logiciels Office dans un environnement bureautique lié à un serveur dont le système d’exploitation était assuré par le logiciel Microsoft Server. Powerland Computers avait assuré l’installation du premier réseau Internet d’informatique de la SHSB. Dans cet environnement, chacun avait son courriel et les différents postes de travail étaient liés au serveur commun.
Dès 2000, un logiciel de création de bases de données, InMagic, spécifiquement destiné à la gestion de centres archives et de bibliothèques dans un réseau bureautique a aussi été installé. Ce logiciel de base de données a ensuite été programmé pour différentes applications administratives, dont la gestion des acquisitions et des descriptions d’archives; la gestion des chercheurs; la consultation des documents d’archives; la gestion des demandes de recherches généalogiques; les entrées de registres sacramentaux et d’autres entrées de données généalogiques.
Le logiciel PCFile était limité par le nombre restreint de caractères que chaque champ pouvait contenir. Un des avantages d’InMagic était que la longueur des champs des bases de données était illimitée. Progressivement, InMagic a remplacé PCFile.
Vers des outils plus performants (2e site Web et InMagic) (2001-2007)
Améliorer la présence de la SHSB sur le Web et en faire un comptoir d’accès aux archives devenaient des exigences de plus en plus pressantes. On parlait alors de l’autoroute électronique (Information Highway). Dans une demande d’aide financière pour le développement du site Web, on avait intitulé le projet : Une Bretelle à l’autoroute électronique.
Dès les années 2000-2001, un projet de collaboration entre la SHSB, le Centre de recherche en civilisation canadienne-française d’Ottawa et le Centre d’études acadiennes à Moncton s’est concrétisé grâce à une subvention de Patrimoine canadien permettant la création d’un unique portail donnant accès aux ressources de plusieurs organismes. L’ensemble du projet (les contractuels et un pourcentage du temps du personnel) s’est chiffré, selon les états financiers vérifiés de 2002-2003 et 2003-2004, à 326 478 $.
Dans le cadre de ce projet, la SHSB a créé le site Au pays de Riel qui s’est greffé au site de 1997 toujours en voie de développement par l’ajout progressif de contenus. Au pays de Riel a été construit en utilisant le logiciel Dreamweaver qui permettait d’ajouter des pages Web hébergées sur le serveur Web. Ce serveur avait été installé, au moment de la construction du Centre du patrimoine en 1998, dans le bureau d’informatique. Tout se faisait à l’interne (in-house).
Compte tenu du financement obtenu, une équipe a été constituée afin d’assurer la construction du site, la rédaction de modules comprenant le choix de documents accompagnateurs (textes et images, audios, vidéos et cartes), la numérisation de documents, la gestion du flux de production et la création de métadonnées. Gilles Lesage (archiviste) et Jacinthe Duval (archiviste) étaient appuyés dans ce projet par : Patrick Neveu (webmestre), Lynne Champagne (chercheuse, rédactrice), Diane Boyd (chercheuse et contrôle des fichiers électroniques), Lorne Coulson (numériseur) et Lucien Chaput (chercheur et rédacteur).

Diane Boyd, Lynne Champagne, Gilles Lesage, Patrick Neveu et Lucien Chaput. Absente de la photo, Jacinthe Duval. Fonds Société historique de Saint-Boniface, SHSB 30328

Photographie de Lorne Coulson qui travaille à la numérisation de documents pour le site web “Au pays de Riel” pour la Société historique de Saint-Boniface. Fonds SHSB, SHSB30033
En outre, dans le cadre du projet du site Web Au pays de Riel, le logiciel InMagic qui était utilisé à l’interne seulement pour les bases de données de l’administration, la gestion des archives et de la bibliothèque, a été doublé d’une version Web permettant de migrer facilement les données de la version interne administrative à la version Web hébergée elle aussi sur le serveur Web dans le Centre du patrimoine. InMagic permettait aussi de lier des fichiers d’images aux descriptions et d’assurer qu’elles s’affichent avec les résultats de recherche tant à l’interne que sur le Web. Ainsi une nouvelle étape qui améliorait l’expérience du chercheur a été complétée. En outre, InMagic permettait de construire et de modifier différentes bases de données ainsi que l’interface de recherche et de l’affichage des résultats à partir de menus seulement (menu driven) rendant l’exploitation du logiciel très conviviale.
Au début des années 2000, grâce à une entente avec Radio-Canada, la SHSB a collaboré à un projet de numérisation des bandes sonores du poste de CKSB. L’équipement fourni par Radio-Canada permettait de les numériser sur des minicassettes et de décrire chaque émission en employant une fiche de description conçue par Radio-Canada. Angèle Chaput avait été affectée à cette tâche. Chaque semaine, une communication était établie par fil à Radio-Canada afin de transmettre au centre de Montréal l’information des descriptions accumulée au cours de la semaine.
En outre, c’est aussi en 2000 que le premier projet de numérisation de photographies a eu lieu grâce à l’embauche de Martin Bisson. Il s’agissait de la collection de photographies du fonds Musée de Saint-Boniface.
Troisième site Web, un InMagic plus puissant (2008-2020)
Avec les développements technologiques et l’avènement d’applications Web facilitant la gestion et l’ajout d’information directement en ligne, il devenait de plus en plus souhaitable de produire un nouveau site Web plus performant et plus convivial. Le site précédent était devenu un amalgame de différents sites juxtaposés, de différents contenus et de différents volumes (le site des associations d’archives pour le Conseil international des archives, le site de la famille Lagimodière, celui de la famille Labossière, le site primaire de la SHSB, la version Gedcom de Brother’s Keeper et le site Au pays de Riel). De plus, le site Au pays de Riel devenait de plus en plus difficile à mettre à jour et ce n’était pas possible d’y créer de nouvelles pages sans obtenir l’aide d’un webmestre externe. Enfin, les nouveaux fureteurs ou les nouvelles versions de moteur de recherche ne soutenaient plus certaines fonctionnalités du site Web, dont celui de Flash.
En 2008, la SHSB a donc décidé de créer un tout nouveau site Web. Parmi les décisions prises ont été celles d’héberger le site chez un hébergeur fiable plutôt que de le gérer sur un serveur Web interne et de mettre InMagic à niveau ainsi que de l’héberger à l’extérieur. Cette nouvelle version de la base de données permettait en outre d’ajouter des fichiers audios, des PDF et des vidéos, augmentant ainsi de beaucoup son potentiel de service de recherche sur le Web.
La nouvelle version du site Web a été développée en étapes en commençant par l’obtention d’une étude de faisabilité (2008-2009). À cette fin, les services d’un consultant en construction de site Web, Gilles Prince, ont été retenus. Il a revu en détail le site (ou les sites) afin de proposer une structure plus intégrée. Cette structure a été revue par le personnel et des membres du conseil d’administration. Le cout de la consultation était de 7 995 $. Cette consultation comprenait deux phases. D’abord, en premier l’enquête client a permis d’obtenir l’apport du personnel, du conseil et de bénévoles intéressés. Ensuite un cahier de charges a été préparé. Par la suite, trois compagnies ont été sollicitées pour un devis. Idéeclic, une compagnie installée à Gatineau, au Québec, a été retenue compte tenu de sa spécialité dans le monde des musées et de l’éducation et de son approche administrative. Le cout du travail effectué par Idéeclic était de 46 000 $. Antonio Hilario, de la firme Idéeclic, était le gérant de projet. Il était appuyé du technicien Abdoulaye Siby.
Au départ, sous la direction d’Idéeclic, une consultation avec le personnel et des membres du conseil d’administration a permis de dresser une liste de fonctionnalités désirées et de choisir un thème graphique. Le choix des couleurs définissant l’apparence visuelle du site s’inspirait d’une série de dessins de Janet La France.
Le travail a été assuré grâce à un site Google privé (option existant à l’époque) qui permettait de créer et de partager des documents de travail. Ces documents étaient accessibles avec mot de passe de n’importe quel ordinateur, ce qui permettait le travail à distance. Au besoin, des communications Skype permettaient de faire des mises au point de vive voix. Le logiciel Web Drupal, logiciel sous licence libre, a été choisi pour la construction du site compte tenu de la possibilité d’utiliser des modules existants et d’éviter des couts de programmeur associés à une version plus récente pour l’époque. Un autre avantage de Drupal était qu’il permettait d’apporter au site des ajouts et des modifications grâce à une partie interne (back end) suffisamment conviviale. Idéeclic avait en effet fourni un manuel d’utilisation assez détaillé.
Pour permettre des paiements à partir du site, un compte PayPal a été ouvert et une session de formation a permis de s’initier à programmer PayPal selon nos besoins pour différents paiements. Le système de messagerie Google a aussi été retenu. Pour permettre d’utiliser les bases de données d’InMagic associée au site Web, un contrat de gestion et d’hébergement d’InMagic Web a été signé avec Andornot, firme établie à Vancouver. Une interface calquée sur le design du site Idéeclic a été produite pour la page de recherche de cette base de données. Le cout de la migration et de la production des interfaces pour les bases de données InMagic était de 15 000 $. Le cout de l’ensemble du projet s’élevait approximativement à 70 000 $ sur deux ans et demi, sans compter le cout du temps du personnel (pendant près de deux ans). Effectivement, Julie Reid a passé une grande partie de son temps à contribuer au développement du site et à migrer l’information sur le nouveau site.
Pendant les 10 prochaines années (2010-2020), grâce à des subventions de projet, il a été possible d’ajouter de nombreux modules de contenu au site Web à l’interne compte tenu du manuel de gestion du site qui permettait de gérer le site à même le Web en accédant directement au serveur à distance. Des pages s’ajoutaient aux sujets, personnages, lieux, expositions, outils pédagogiques, blogues, etc. Pour sa part, la base de données In-Magic était mise à jour périodiquement par l’envoi à Andornot, via File Zilla, d’une version exportée des données qui s’ajoutaient de jour en jour à mesure que des descriptions de fonds d’archives se complétaient. Andornot, de son côté, assurait la mise à jour de la version Web hébergée par l’entreprise. Une fonctionnalité appréciée qu’Andornot a rendue possible vers 2015 est la mise en ligne de versions à haute résolution de cartes, d’affiches et de plans architecturaux. Cet ajout facilite la consultation en permettant de zoomer dans le document.
En 2020, le site Web était de nouveau devenu vétuste : la lourdeur du site le rendait de plus en plus difficile à consulter, la version du logiciel Drupal n’avait pas été conçue pour les tablettes et les téléphones portables et il n’était pas possible d’assurer une migration du site dans une autre version de Drupal ou d’un autre logiciel. En outre, il n’était plus possible de mettre le logiciel à jour afin d’empêcher les attaques de pirates ou de logiciels malveillants. Sous la direction de Janet La France, la SHSB a donc investi dans un tout nouveau site Web et y a transféré, dans la mesure du possible, les informations du site (2010-2020). Par la même occasion, une mise à jour a été faite à la base de données d’archives InMagic et des améliorations lui ont été apportées, dont celle de pouvoir associer des documents à même une page Web par des liens qui renvoient directement à la base de données des archives. Enfin, ces changements permettaient aussi de mieux tirer avantage des médias sociaux qui s’étaient beaucoup développés durant les années 2005 à 2020.
De la numérisation et du né numérique
Vers la fin des années 1990, la SHSB a commencé à numériser des documents. Au départ, les numériseurs de la SHSB avaient des capacités limitées et la numérisation se limitait aux photographies et parfois à quelques documents textuels. Cette numérisation servait à produire des fichiers JPEG à basse résolution pour les lier à des descriptions dans la base de données d’archives InMagic. De la sorte, le visionnement à l’écran des images numériques facilitait l’accès, un peu comme auparavant il était possible de consulter des photocopies ou des microfilms plutôt que les originaux. La technologie électronique améliorait l’accès en rendant les documents accessibles de n’importe où sur la planète, à n’importe quelle heure. En outre, la consultation se faisait avec le minimum d’impact sur l’original, favorisant sa préservation.
Avec le développement de la technologie, les numériseurs se sont améliorés et, surtout, la capacité de la mémoire vive des ordinateurs augmentait (de 640 ko à plus de 60 G), permettant de manipuler des fichiers plus volumineux et plus rapidement et donc de produire des images à plus haute résolution. De plus, la capacité de stockage des disques durs et des serveurs, passant de mégaoctets à gigaoctets puis à téraoctets, permettait d’entreposer plus facilement et à meilleurs frais des fichiers plus lourds. Ainsi l’approche des centres d’archives a été de profiter de la numérisation pour produire deux fichiers, l’un pour l’accès en JPEG basse résolution et un autre en format Tiff ou autre de haute résolution pour la préservation. Ces pratiques de numérisation avaient maintenant deux objectifs, celui d’améliorer l’accès et l’autre d’assurer une meilleure préservation en assurant une copie numérique de haute résolution qui minimisait l’utilisation des originaux.
Avec l’avancement technologique des caméras numériques, la prise de photos par caméra de haute qualité permettait de numériser des documents textuels plus rapidement. Ainsi des projets spéciaux pour la numérisation en masse de documents textuels ont été mis sur pied. Au départ, le groupe de recherche Métis Archival Project, sous la direction de Frank Tough de l’Université de l’Alberta, est venu au Centre du patrimoine faire de la numérisation par caméra de documents de l’Archidiocèse de Keewatin-Le Pas. Sur la base de cette expérience, la SHSB a aussi, à l’interne, grâce à l’expertise de Lorne Coulson, mis sur pied des projets de numérisation par caméra numérique de documents textuels comme les documents de la série Provencher et une partie de la série Taché du fonds d’archives de la Corporation archiépiscopale catholique romaine de Saint-Boniface. Il a été aussi possible de numériser d’autres documents du Keewatin-Le Pas. La numérisation elle-même a été assurée par Annie Langlois et Thomas Bres.
Du côté de la vidéo, le même scénario s’est produit pour les vidéocassettes. À l’interne, grâce à de l’équipement donné par Radio-Canada, il a été possible de numériser plusieurs vidéocassettes. Les vidéocassettes se détériorent assez rapidement et la numérisation assure la préservation, sinon du support, au moins du contenu. Toutefois le défi pour les archives d’images en mouvement (vidéocassettes, films 16 mm et autres formats) est d’assurer une numérisation à résolution suffisamment haute sans que le volume d’entreposage devienne exorbitant.
En particulier, les vidéocassettes des spectacles, des pratiques et des cours de danse offerts par l’Ensemble folklorique de la Rivière-Rouge ont été numérisées sur DVD et décrites en 2008-2009 par Jean-Paul Cloutier, dans le cadre d’un financement de projet. Par la suite, en 2016-2017, Gisèle Johnson, bénévole, a fait le traitement, l’entrée de données et la numérisation de documents audiovisuels (cassettes, DVD et vidéocassettes). Des documents vidéos numérisés ont été téléchargés dans YouTube en 2019-2020.
Quant aux films, certains ont, au cours des années, été numérisés sur commande aux frais des chercheurs.
Du côté de l’histoire orale, une évolution semblable s’est produite. Tout au long des années 1980 et 1990, et jusque dans les années 2000, l’enregistrement sonore se faisait grâce à des enregistreuses analogues, sur des rubans ou des cassettes. Mais dès 2007, il devenait possible de faire des interviews en employant des enregistreuses numériques, d’abord avec des équipements empruntés à Radio-Canada, puis avec des enregistreuses numériques achetées par le Centre du patrimoine.
Parmi les premiers enregistrements sur bandes sonores qui ont été numérisés figurent ceux d’Henri Létourneau que Radio-Canada a numérisés à même ses bureaux. Le format numérisé de Radio-Canada étant en fichiers CDA, il a fallu ensuite les convertir en format WAV pour la préservation puis en version MP3 pour l’accès. À l’interne, grâce à de l’équipement donné par Radio-Canada, il a aussi été possible de numériser plusieurs collections d’enregistrements sur rubans, dont des projets d’histoire orale documentant l’éducation, la ville de Saint-Boniface, les femmes francophones, et la municipalité de Montcalm (grâce au fonds Ken Sylvester). Du financement de projet avait permis d’embaucher Robert Nicolas pour faire la numérisation de l’audio. Ces fichiers sonores ont été produits en format WAV à résolution suffisamment haute pour assurer une version de préservation et en format MP3 pour assurer l’accès. Les fichiers MP3 ont ensuite été liés aux descriptions des enregistrements dans la base de données d’archives InMagic, ce qui permettait alors de les écouter directement à partir du Web.
Certains bénévoles ont aussi contribué à la numérisation de cassettes (comme pour le fonds de l’Ensemble folklorique de la Rivière-Rouge). En 2019-2020, grâce à du financement de Bibliothèque et Archives Canada permettant l’embauche de Sarah Story, plusieurs cassettes et bandes sonores tirées de fonds d’archives au Centre du patrimoine ont été numérisées. Les cassettes ont été numérisées en priorité, car elles sont particulièrement fragiles et se détériorent plus rapidement que d’autres médiums. C’est aussi selon la même logique que l’année suivante il a été possible de numériser une partie importante de vidéocassettes.
Des documents nés numériques s’ajoutent à la panoplie des documents numérisés. Ces documents existent depuis un certain temps. En effet, les premières applications de logiciels de traitement de texte, même si elles fonctionnaient comme des machines à écrire glorifiées, produisaient des documents nés numériques. En revanche, beaucoup d’entre eux, sinon la plupart, sont perdus dû au fait que peu de fichiers électroniques étaient sauvegardés de façon sécuritaire et que la succession de nouvelles générations de logiciels a vite fait de rendre plusieurs anciens fichiers caducs faute de ne plus avoir accès à des logiciels pour les décoder ou des machines (comme c’est le cas des disquettes 4×4) pour les lire. De même, les premières générations de caméras numériques ne permettaient pas de générer des fichiers de haute qualité. Toutefois avec le temps, l’équipement s’est amélioré. Ainsi, depuis 2002 à peu près, toutes les photos du fonds La Liberté sont en format numérique. Parfois d’autres dons d’archives contiennent aussi des documents nés numériques stockés sur divers supports (disquettes, disques durs, CD).
L’acquisition et le traitement de documents numériques demeurent un défi pour l’avenir. « Numériser, ça ne veut pas dire jeux vidéos, ça veut dire protection de la mémoire, de l’histoire, des images rapportées. » Daniel Bertolino dans l’émission de Radio-Canada, Dessine-moi un dimanche avec Franco Nuovo, le 15 mars 2020. Bertolino est aussi président et cofondateur du Groupe Via le Monde Inc, qui gère depuis 1967 une importante collection d’archives audiovisuelles.
Sauvegarde et nuage (2008-2023)
Dès 1998, la SHSB prévenait la perte de documents numériques et des logiciels qui les accédaient en faisant des copies de sécurité selon un calendrier de sauvegarde permettant d’éviter des pertes sérieuses en cas de défaillance technologique, de vol ou de désastres. À cet effet, les documents qui étaient créés numériquement et les logiciels logés sur le serveur administratif étaient copiés sur des cassettes à ruban. Pour la sauvegarde des copies numérisées, la pratique adoptée était de copier les fichiers électroniques sur des CD dorés, considérés de durée supérieure aux autres supports numériques de cette époque.
Le Y2K était le problème que l’on craignait avec le passage de l’année 1999 à 2000 : pour sauver de l’espace, pendant un certain temps, les ordinateurs enregistraient l’année en n’utilisant que deux chiffres (85 au lieu de 1985). En inscrivant l’année 2000 qu’avec 00, on craignait qu’une confusion imprévue en résulte. Pendant plusieurs années, la pratique était d’imprimer les documents numériques importants à conserver. Voulant prévenir la perte possible d’information qui pourrait se produire avec le passage au nouveau siècle, toutes les bases de données de la SHSB avaient été imprimées. Heureusement, aucun problème n’est survenu. Toutefois, un bienfait de cette expérience a été la sensibilisation à la question des copies de sauvegarde.
En 2008, la SHSB a fait l’acquisition d’un serveur à données HP Proliant DL 100 Ge à configuration RAID 5 de 2 téraoctets pour la préservation des documents numériques. Les documents numériques choisis pour la préservation étaient copiés sur ce serveur à données. En 2015, avec les changements technologiques et la croissance du volume de documents numériques, ce serveur à données a été remplacé par un serveur plus puissant à stockage plus élevé (14 téraoctets), toujours à configuration RAID 5, couplé à un appareil de sauvegarde RAID 5 pour une plus grande sécurité.
Avec l’augmentation du rythme de numérisation des documents d’archives (photographies, textes, enregistrements sonores, vidéocassettes, films, cartes), l’acquisition de documents nés numériques et la possibilité technologique de créer des fichiers de préservation de qualité de plus en plus haute, le besoin d’espace de sauvegarde se multipliait. De plus, la nature des exigences permettant d’assurer la préservation de longue durée rendait la gestion de ces fichiers plus problématique. La solution offerte par le Conseil canadien des archives (CCA) a été retenue, celle du transfert des fichiers préservés dans le serveur à données interne à un dépôt à données fiable (Trusted Digital Repository) administré par Bibliothèque et Archives Canada pour le compte du CCA. Parmi les particularités de ce dépôt fiable était le format de transfert qui assurait l’intégrité des données et le fait que ces données étaient simultanément préservées sur trois serveurs, chacun dans une région géographique différente. C’était en l’occurrence, un genre de stockage en ligne (cloud storage). En mars 2020, la SHSB préservait dans ce dépôt à données fiable approximativement 3 téraoctets.
À partir des années 2019, avec l’embauche d’une archiviste responsable des archives numériques, Sarah Story, et l’arrivée d’une nouvelle personne à la direction de la SHSB, Janet La France, le développement de la gestion de la numérisation d’archives analogues, la gestion des archives numériques et des archives nées numériques prennent un nouveau départ. De 2020 à 2023, le travail de numérisation de documents analogues s’est poursuivi en donnant priorité aux archives les plus susceptibles de détérioration. De plus, des démarches sont entreprises pour obtenir de nouveaux équipements, y compris de nouveaux serveurs et les logiciels nécessaires à l’acquisition des archives nées numériques d’organismes.
Ces dernières années sont particulièrement influencées par l’apparition de la pandémie de COVID-19. Cela entraine une implantation rapide des logiciels et de l’équipement nécessaire à des réunions et des consultations virtuelles tant pour les activités internes que pour les communications à la clientèle.
Du côté des logiciels, la mise à niveau de la base de données d’archives InMagic, parallèlement à la construction du nouveau site Web, permet d’ajouter une fonction interactive rendant possible à ceux qui consultent la base de données d’ajouter leurs commentaires. De plus, de nouveaux champs permettent d’améliorer les descriptions et l’implantation de vedettes matières standardisées facilite l’accès. Avec l’adoption du synchroniseur de métadonnées d’histoire orale, OHMS, il a été possible de débuter l’indexation d’enregistrements sonores et d’améliorer leur consultation. Des outils de conservation numériques à source ouverte ont été choisis pour le traitement et la conservation des images nées numériques.
En conclusion
Il est important de souligner le rôle clé joué par des services d’appui technique au cours des années. Powerland a assuré le premier déploiement de l’équipement informatique au Centre du patrimoine. Par la suite, la compagnie Prairie Computers, sous la direction d’Anne-Marie Lussier, a permis de tirer avantage des subventions qui existaient pour le développement de l’implantation de l’informatique. Prairie Computers assurait également des services techniques requis pour une bonne gestion de l’équipement informatique. Anne-Marie Lussier était appuyée par deux techniciens très consciencieux, Nicolas Rimbault et Pierre Vaillancourt. Avec la vente de Prairie Computers à Epic Information Solutions, Anne-Marie Lussier, qui en devenait vice-présidente, avait continué, ainsi que Pierre Vaillancourt, à fournir des services. Le service apprécié d’Épic a continué lorsqu’il a été intégré à MTS. Durant les dernières années des 2010, ce sont les services d’Avenir IT qui ont assuré la gestion des serveurs. Tout au long des années 2005 à 2020, Pierre Vaillancourt, comme technicien en informatique avec Prairie Computers, puis avec Epic et, enfin à son propre compte, a été d’un secours incalculable, donnant souvent de son temps bénévolement. À partir de 2018, grâce à des subventions, il a été aussi possible d’embaucher pour quelques années, à temps partiel, un technicien en informatique, Gerry Bayer.
La numérisation a pris un tournant des plus souhaitables avec l’arrivée du contractuel Lorne Coulson qui a guidé le développement du programme de numérisation au Centre du patrimoine. En 2001, il avait travaillé à la « restauration » de diapositives bleues ou roses pour un projet d’exposition au Centre culturel franco-manitobain. Lynne Champagne qui travaillait au Centre du patrimoine pour la création du site Web Au pays de Riel avait pris connaissance du travail de Lorne et avait alors suggéré de l’intégrer au projet du site Web de la SHSB. C’est à partir de ce temps-là qu’il a progressivement mis au point et facilité le programme de numérisation en recommandant l’achat des équipements requis (numériseurs, caméras, éclairage) et en maitrisant le programme Adobe Photoshop et les logiciels associés. Au cours des années, son expertise bien appréciée a permis la formation des employés et des contractuels.
Durant ses premiers 25 ans, le Centre du patrimoine a accumulé une importante masse de documents numériques et de documents nés numériques. Il fallait s’assurer de sauvegarder ces documents uniques qui sont à risque élevé de disparaitre. Ces archives numériques représentent un investissement important. Elles sont, toute proportion gardée, d’une valeur inestimable.
Cette richesse des archives électroniques s’est constituée grâce à des subventions de projets et des contributions irremplaçables des nombreux bénévoles qui ont prêté mainforte à la tâche, de donateurs d’archives et de contribuables au fonds Centre du patrimoine. Pour ne donner que quelques exemples parmi plusieurs contributions bénévoles : l’entrée des fiches du catalogue des archives de l’archevêché (Paul Baril), des livres aux lettres de Langevin (Antoine Gaborieau), le catalogage de la bibliothèque (Doris Lemoine et Léonie Boisvert), la description et la numérisation des archives de l’Ensemble folklorique de la Rivière-Rouge (Gisèle Johnson). La contribution de tous les bénévoles et l’ensemble des projets qui ont bénéficié de leur aide sont mentionnés dans les rapports mensuels de la direction et dans les rapports annuels de la SHSB.
Le défi le plus grand de ces années de développement de l’informatique était celui de l’imprévu. Il semblait qu’à mesure que des pratiques et des normes dans la gestion des documents numériques cherchaient à s’instaurer, les dépassements du développement technologique venaient remettre les plans sur le métier. L’adaptation à un développement technologique à croissance accélérée était essentielle.
Et l’avenir ?
Que nous réservent les développements de l’informatique quantique? Et les autres changements technologiques? En jetant un regard sur l’avenir, peut-on souhaiter qu’un jour toute question que nous poserons à la « Toile » passe par une interface d’intelligence artificielle (IA), traduisant la question en langage qui tirera profit au maximum de l’univers de données qui existera pour fournir une réponse à la mesure de chacun dans le format souhaité selon les usages qu’on voudra bien en faire? L’IA saura-t-elle « miner » mieux et plus efficacement pour ensuite livrer des produits faits sur mesure? Allons-nous vers une robotisation (du moins en partie) de la recherche couplée à une robotisation (au moins partielle) des produits culturels? Il est certain qu’au vu des changements qui se sont produits depuis les 30 dernières années, les 30 prochaines années ne seront pas sans nous réserver des surprises.
Il faudrait aussi considérer dans ce regard sur l’avenir les transformations de société qui vont s’opérer et les nouveaux questionnements qui s’ensuivront. Au début du XXe siècle, on ne pouvait pas croire qu’un humain alunerait en 1969. Pareillement, on ne peut pas s’imaginer ce que permettra la technologie de 2092. Verra-t-on l’usage de satellites comme dépôts numériques, ou même des archives entreposées dans un nuage lunaire ?
Et que sera cette société dans 69 ans? Ce que l’on peut espérer, c’est qu’avec les bonnes pratiques de préservation, les archives d’hier et celles créées aujourd’hui et dans les années à venir lui seront accessibles, assurant un certain lien avec son passé. Il lui sera aussi possible de mettre en question nos présupposés, nos hypothèses et nos préjugés.
