Louis Riel – Une biographie

Louis Riel – une vie, une vision

Louis Riel - SHSB 843

Nous vous proposons dans cette section, une biographie de Louis Riel, le Père du Manitoba, qui a consacré sa vie à défendre la cause des siens : les Métis.

Louis Riel - ses parents, sa jeunesse

Ses parents

Le 22 octobre 1844, à Saint-Boniface, naissait Louis, premier né de Louis Riel père et Julie Lagimodière.

Cette dernière était septième enfant de Jean-Baptiste Lagimodière, un voyageur canadien-français, et de Marie-Anne Gaboury son épouse qui l’accompagna dans l’Ouest canadien en 1806.
Louis père naquit à l’Ile-à-la-Crosse en 1817, fils de Jean-Baptiste Riel dit l’Irlande et de Marguerite Boucher, une métisse franco-déné qu’il avait épousée en 1798 à la façon du pays. Après avoir passé son enfance au Québec où ses parents étaient retournés vivre, et après un essai comme séminariste, Louis père revint en 1843 s’établir dans l’Ouest, son pays natal.

C’est à la Rivière-Rouge qu’il rencontra et épousa Julie Lagimodière le 21 janvier 1844, dans la Cathédrale de Saint-Boniface. Leur mariage fut béni par Mgr Provencher. Ils étaient tous deux de fervents catholiques, Julie ayant aussi songé à la vie religieuse avant d’épouser Louis Riel père.
Cette piété sera un facteur important dans la vie quotidienne de la famille.

Sa jeunesse

Louis passa son enfance sur la rive est de la Rivière Rouge, près de Saint-Boniface et du terrain de ses grands-parents Lagimodière. Il grandit parmi le peuple Métis extrêmement conscient de cette identité héritée du côté paternel.

À dix ans, il entra à l’école des Frères des Écoles Chrétiennes établie dans la colonie depuis 1854. En 1858, Mgr Taché l’envoya, ainsi que deux autres, Daniel McDougall et Louis Schmidt, poursuivre ses études à Montréal, dans le but de former des prêtres pour la jeune colonie.

Louis Riel - sa vie à Montréal

Partis le 1er juin 1858, ils arrivèrent à Montréal, en compagnie de Sr Valade, le 5 juillet, après cinq semaines de voyage. À Montréal, il fut accepté au Collège de Montréal dirigé par les Messieurs de Saint-Sulpice, où il entreprit un cours classique de huit ans, y étudiant le latin, le grec, le français, l’anglais, la philosophie et les sciences. Louis se révéla vite un excellent étudiant ; une fois le retard rattrapé, il dépassa vite les autres élèves pour se placer à la tête de la classe. La mort de son père bien-aimé, en janvier 1864, qu’il n’avait pas revu depuis son départ de la colonie, le bouleversa énormément. Bien qu’il continuât ses études, ses supérieurs trouvaient que son attitude avait changé. Ils doutaient que Louis ait vraiment une vocation sacerdotale. Au mois de mars 1865, il quitta le Collège de Montréal, trouvant les règlements trop restrictifs. Il demanda et obtint la permission de poursuivre ses études en tant qu’externe chez les Soeurs Grises. Après de nombreuses infractions à la règle et des absences répétées en classe, on lui demanda de quitter et le Collège, et le couvent.

À sa sortie du Collège, il dut affronter un monde débordant d’activités politiques « où le nationalisme prend beaucoup de place, où l’ultramontanisme et le fédéralisme s’affrontent et la question de la Confédération est chaudement débattue. » Pendant ce temps, il habitait chez sa tante Lucie Riel, épouse de John Lee, et avait réussi à trouver un emploi au bureau de l’avocat Rodolphe LaFlamme, un anti-confédéré et un anti-clérical. C’est à cette époque qu’il devint amoureux de Marie-Julie Guernon et signa même un contrat de mariage. Cette idylle fut vite interrompue car les parents de celle-ci s’opposaient à un mariage avec un Métis. À la suite cette déception, Riel s’achemina vers Chicago et Saint-Paul. Il semblerait qu’il aurait habité quelque temps avec le poète Louis Fréchette et un groupe de nationalistes canadiens-français exilés. Il semblerait qu’il ait aussi travaillé quelque temps chez Édouard Langevin ou Gilbert Lachance avant de revenir au Manitoba.

Il arriva à Saint-Boniface le 26 juillet 1868, après une absence de 10 ans, jeune homme instruit sans travail. Il était loin de se douter qu’il deviendrait sous peu le défenseur des droits des Métis et le futur père du Manitoba.

Le retour dans l'Ouest

Le climat politique

À l’époque de son retour à la colonie de la Rivière-Rouge, le Canada ne comprenait que les provinces du Québec, de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Le territoire à l’ouest de l’Ontario jusqu’aux montagnes Rocheuses, connu sous le nom de Rupert’s Land était sous le contrôle de la Compagnie de la Baie d’Hudson.

La Compagnie nommait un gouverneur et un Conseil pour administrer la colonie établie aux fourches des rivières Rouge et Assiniboine. Le coeur de la colonie, le district d’Assiniboia et le quartier général de la Baie d’Hudson, était le Fort Garry.

Au cours des années 1850, les Métis avaient réussi à percer le monopole que la Compagnie avait détenu jusque là sur la traite des fourrures. La Compagnie en était venue à reconnaître aux Métis un rôle politique dans l’administration de la colonie et des droits de propriété.
Les années entre 1850 et 1860 marquent la fin de l’ancien mode de vie au nord-ouest.

Avant 1849, les changements dans la colonie s’étaient produits grâce à des événements internes, mais à partir de 1850, ils seront causés par des facteurs externes, axés autour de la politique canadienne et américaine.

Les Métis

Par son axe de développement est-ouest, le Canada devait inévitablement entrer en contact avec la société métisse.

Le premier heurt se produisit en 1857 avec l’arrivée de l’expédition d’exploration de Dawson et Hind. L’expédition chargée d’étudier le terrain recommanda au gouvernement canadien de se faire céder la partie cultivable du territoire retenue par la Compagnie.

Aux États-Unis, en ce temps, existait un mouvement annexionniste qui menaçait l’occupation future des territoires. Pour contrecarrer le mouvement, le Canada ne pouvait compter sur aucune action militaire et la Compagnie n’avait aucune force à sa disposition pour parer à cette menace. Leur solution était donc l’annexion des territoires du Nord-Ouest par le Canada.

En 1869, une chance unique se présenta, car la Compagnie de la Baie d’Hudson décida de vendre ce territoire au Canada. C’est à ce moment que survient le retour de Louis Riel à la colonie après une absence de 10 ans.

La colonie qu’il retrouvait avait subi bien des changements depuis son départ. Fort Garry était maintenant un centre commercial actif depuis l’arrivée de nombreux Ontariens. Ces « Canadians » souhaitaient l’annexion au Canada pour des raisons économiques et politiques.

Les Métis cependant étaient bien inquiets. Ils voyaient avec rancune que malgré leur nombre, l’avenir de la région se décidait sans eux.

Les « Canadians » s’opposaient à la tutelle de la Compagnie tandis que les Métis s’inquiétaient de l’avenir sous le gouvernement canadien. Ils craignaient que le pays soit envahi par les Ontariens, ce qui créerait un problème pour les Métis, les nouveaux arrivants étant anglophones, protestants, et souvent racistes en face d’une population majoritairement Métis, francophone et catholique.

En plus de ces problèmes, ils craignaient avec raison de perdre leurs terres car la majorité des Métis étaient considérés des « squatters » ou propriétaires sans titres selon les lois coloniales de l’époque.

Riel à la tête des Métis

Louis Riel défend les siens

Au cours de l’été de 1869, le gouvernement canadien envoya John Stoughton Dennis à la Rivière-Rouge dans le but d’arpenter le terrain. Il fut tellement mal reçu par les Métis qu’il commença à arpenter à Pointe-de-Chênes plutôt qu’au Fort Garry. Pour ajouter à l’inquiétude des Métis, l’arpentage se faisait selon le style ontarien, en carré plutôt qu’en lots longs et minces donnant sur la rivière, système qu’utilisaient les Métis. Le nouveau système coupait à travers les propriétés déjà en existence et limitait l’accès à la rivière. De plus, l’arpentage avait commencé avant le transfert officiel des terres au Canada.

Lorsque Dennis arriva au Fort Garry, l’opposition éclata. Proclamant que le gouvernement canadien n’avait pas le droit d’agir sans permission, le 11 octobre 1869, 16 Métis, sous la direction de Louis Riel, arrêtèrent une équipe d’arpenteurs sur le terrain d’Edouard Perreault (selon le carnet de l’arpenteur) ou, (selon la tradition orale), d’André Nault, cousin de Louis Riel. [Une plaque commémorative a été érigée par la ville de Winnipeg dans le Don Smith Park, angle Scurfield Blvd et Fleetwood Road, Whyte Ridge.]

Cet incident fut d’une grande importance, premièrement parce que c’était le premier acte de résistance au transfert de la colonie au Canada, et deuxièmement, il établissait Louis Riel comme champion des Métis.

Les Métis s’organisent, Riel à leur tête

En octobre, William McDougall, nommé lieutenant-gouverneur de Rupertsland, se mit en route pour la Rivière-Rouge afin de prendre possession du territoire du Nord-Ouest pour le Canada. Il était accompagné d’un gouvernement déjà constitué et armé de 300 fusils. À cette nouvelle, les Métis décidèrent d’organiser une résistance.
Le 16 octobre, Riel fut élu secrétaire du Comité National des Métis présidé par John Bruce. Cinq jours plus tard, le Comité envoya une note à McDougall l’avisant de ne pas pénétrer dans le pays sans la permission du Comité.

Pour raffermir leur position, les Métis érigèrent une barricade à la jonction de la route de Pembina et de la rivière Sale, là où devait passer McDougall.

Le gouvernement provisoire de Louis Riel

Le 23 novembre, Riel proposa un gouvernement provisoire pour remplacer le Conseil d’Assiniboia. Surpris, les Métis anglophones demandèrent quelques jours de réflexion, ne croyant pas qu’il était dans leur mandat de prendre pareille décision. Le transfert officiel au Canada devait avoir lieu le 1er décembre 1869.

Pendant ce temps, Macdonald avait retardé le paiement à la Compagnie à cause des troubles dans la colonie. McDougall, qui n’avait pas été averti, lut, le 1 décembre, la proclamation transférant les territoires de la Compagnie au Canada. Ce geste hâtif devait par la suite causer des problèmes. Le gouvernement provisoire de Riel devenait légitime dès cet instant, la Compagnie perdant toute autorité dès le 1er décembre et le Canada n’en ayant aucune, étant donné qu’il n’avait rien payé.

Le 10 décembre, le drapeau du gouvernement provisoire de Riel flottait au mât du Fort Garry. Le 27 décembre, Riel fut élu président de ce même gouvernement à la suite de la démission de John Bruce. À date, le gouvernement canadien avait ignoré tous les problèmes de la Rivière Rouge. Macdonald envoya maintenant un commissaire spécial afin d’expliquer la position de son gouvernement aux Métis. Le 27 décembre, Donald Smith, représentant de la Compagnie de la Baie d’Hudson au Canada et agent du gouvernement, arriva dans la colonie. Une réunion qui eut lieu le 19 janvier 1870 attira plus de 1 000 personnes. Durant les réunions des 19 et 20 janvier, Smith laissa entendre que son gouvernement avait de bonnes intentions vis-à-vis du peuple de la Rivière-Rouge. Afin de trouver un moyen de négocier avec Ottawa au sujet de leurs droits, Riel proposa la tenue d’une convention de 40 délégués comprenant vingt francophones et vingt anglophones, pendant laquelle serait rédigée une nouvelle liste de droits.

La convention commença à siéger une semaine plus tard, et le 10 février, le travail était terminé. Avec le consentement de tous, Riel forma un gouvernement provisoire plus représentatif que le dernier. Trois délégués furent nommés pour aller présenter la liste des droits au gouvernement canadien. Il s’agissait de l’abbé Noël Ritchot, du juge Black et d’Alfred Scott. Tout semblait indiquer un retour au calme, mais cela ne devait pas être le cas. Alors que les délégués siégeaient encore, un groupe de « Canadians » préparait un mouvement contre Riel. Il s’agissait de ceux qui avaient appuyé Schultz et Dennis au mois de décembre 1869 contre le gouvernement provisoire de Riel. Plusieurs d’entre eux avaient été emprisonnés au Fort Garry, mais un important groupe demeurait toujours en liberté aux alentours de Portage-la-Prairie.

L’affaire Thomas Scott

Le 9 janvier 1870, 12 prisonniers y inclus Charles Mair et Thomas Scott, s’évadèrent du fort, et le 23 janvier ce fut le tour de John Schultz. Le 12 février, Riel libéra les autres prisonniers à la condition qu’ils n’interviennent pas dans la politique de la colonie. Cette initiative refroidit l’ardeur de certains, mais le parti « Canadian » poursuivit sa marche sur le fort Garry.

Le 18 février, le Major Charles Boulton et ses hommes passant à proximité du fort furent arrêtés par les hommes de Riel ; 48 furent capturés, y inclus Thomas Scott. Le Major Boulton fut jugé et condamné à mort, mais sa sentence ne fut jamais exécutée. Thomas Scott, à la suite de problèmes et d’une tentative d’évasion, fut appelé à comparaître devant un tribunal de Métis composé selon la coutume de la chasse aux bisons, et présidé par Ambroise Lépine, lieutenant de Louis Riel.

Les sept membres du tribunal le reconnurent coupable d’avoir défié l’autorité du gouvernement provisoire, de s’être insurgé contre les gardes et d’avoir insulté le président.
Il fut condamné à mort par cinq voix contre deux et le lendemain, 4 mars 1870, fusillé par un peloton d’exécution. Malgré les pressions auprès de Riel pour empêcher l’exécution, celui-ci ne se laissa pas influencer. On ne peut que s’interroger sur les raisons qui poussèrent Riel à laisser fusiller Scott.

Était-ce de la vengeance contre Scott, ou la peur de perdre le respect des Métis ? Scott était un orangiste, un violent anti-catholique et raciste et Riel aurait peut-être cru faire un exemple de lui. Quelle que soit la vraie raison, cette action souleva beaucoup de controverse.
Elle fit exiler Riel et ébranla même ses plus ardents partisans.

La création du Manitoba

Entre-temps, le 24 mars, les trois délégués étaient partis pour Ottawa où ils devaient négocier les conditions d’adhésion à la Confédération avec les représentants du gouvernement canadien. Le juge Black et Alfred Scott n’étant pas très efficaces, l’abbé Ritchot se révéla le chef de la délégation.
À force de questions et d’arguments, il put convaincre le gouvernement de présenter la loi du Manitoba à la Chambre des Communes.

Le 12 mai 1870, le parlement canadien votait la loi du Manitoba rédigée d’après la liste des droits des Métis.

Une section protégeait les terres des Métis en garantissait le droit à leur religion et à leur langue à la législature et dans les cours.

Riel, à la tête du gouvernement provisoire, devait maintenir l’ordre et la paix en attendant l’arrivée du premier lieutenant-gouverneur, Adams G. Archibald, et la troupe du Colonel Wolseley qui l’accompagnait.

La fuite

La troupe de Wolseley arriva avant Archibald, et bien que censés établir l’ordre et garder la paix, plusieurs de ses soldats désiraient trouver Riel et venger la mort de Scott. Cette vengence fut infligée sur les Métis en forme d’attaques, viols, intimidations et meurtres, y inclus la lapidation d’Elzéar Goulet. Avertis de leurs intentions, Riel, Lépine et William O’Donoghue, Irlandais-américain, eurent le temps de fuir et de trouver asile aux États-Unis.

Riel se rendit à l’établissement métis de St-Joseph, au Dakota du Nord, y attendre des nouvelles de la Rivière-Rouge. Une lettre de Mgr Taché arriva bientôt lui suggérant de rester caché, car sa vie serait en danger s’il revenait. La situation était grave ; les querelles entre Métis et les hommes de Wolseley se multipliaient. Riel trouvait difficile de rester caché au loin, et le 17 septembre, il se rendit à St-Norbert rencontrer un groupe de Métis.

Pendant cette rencontre, il fut résolu d’envoyer une pétition au président des États-Unis, Ulysses S. Grant, lui demandant d’intercéder auprès de la Reine afin qu’une étude soit faite au sujet de leur demande d’amnistie. O’Donoghue désirait l’annexion de la colonie avec les États-Unis, mais Riel s’y opposait. Ils remirent la pétition à O’Donoghue cependant et celui-ci devait la présenter au président. En cours de route, O’Donoghue formula une demande d’annexion à laquelle Grant refusa de croire, et il la rejeta. O’Donoghue se rendit ensuite à New York où il rencontra des Féniens irlandais qui avaient déjà fait des incursions au Canada. Il réussit à convaincre ces derniers de faire une incursion au Manitoba. Lorsque la nouvelle arriva au Manitoba, le lieutenant-gouverneur Archibald en fut très inquiet. Est-ce que les Métis se joindraient à eux ? C’est à ce moment qu’intervint Louis Riel.

Croyant que l’avenir des Métis résidait au Canada plutôt qu’aux États-Unis, il assura le lieutenant-gouverneur que les Métis ne se joindraient pas aux Féniens et il tint parole. Faute d’appui local, l’attaque des Féniens mourut avant d’avoir commencé.

Archibald, reconnaissant de l’aide que lui avait portée Riel, était prêt à le laisser en paix. Le sentiment, cependant, n’était pas unanime, et Archibald en vint à croire que le calme reviendrait plus vite si Riel quittait le pays pour quelque temps. On offrit à Riel et Lépine la somme de 1 000 $ chacun, qu’ils acceptèrent à contrecoeur. Les menaces d’assassinat les convainquirent plus que la somme d’argent.

Les années d’exil

L’exil fut un temps d’angoisse pour Louis. Il était souvent déprimé et prétendait avoir des visions d’une mission à accomplir. Ses cris et lamentations effrayaient le père Barnabé qui fit venir l’oncle de Riel, John Lee. Ce dernier le ramena à Montréal où il fut interné dans un asile au Québec, sous le nom de Louis R. David.

Quelques temps après, il fut transporté à l’asile de Beauport où lentement la santé lui revint. Il quitta l’asile en janvier 1878, avec la recommandation d’éviter de s’exciter. De Beauport, Riel se rendit à Keeseville où il demeura quelque temps.

C’est à cette époque qu’il devint amoureux de Evelina Barnabé, soeur du père Barnabé. Moins intéressé à la politique, Riel tenta de se trouver du travail car il n’avait rien à offrir à Evelina. Il décida enfin de se rendre dans l’Ouest. Evelina ne croyait pas pouvoir s’adapter à la vie des prairies, et après quelques mois, Riel cessa de lui écrire et ce fut la fin de cette relation.

À l’automne de 1878, Riel retourna une fois de plus à St-Joseph près de Pembina, où en avril 1879, il reçut la visite de sa mère et de ses amis. La vie au Manitoba avait beaucoup changé. L’arrivée des immigrants éloignait les Métis. Privés de leurs terres et de leur mode de vie, ils déménageaient de plus en plus à l’ouest pour s’établir le long de la rivière Saskatchewan aux endroits tels que Lac Labiche, Qu’appelle, Edmonton, Prince Albert, Lac aux Canards et Batoche.

Pendant ces changements, Riel habitait toujours les États-Unis, car il lui était encore défendu de revenir au Manitoba. Depuis 1879, il avait suivi la chasse aux bisons, travaillé comme agent, traiteur et comme bûcheron près de Carroll au Montana.

 

Riel se marie

C’est ici qu’il rencontra Marguerite Monet dit Bellehumeur, une métisse qu’il épousa à ‘la façon du pays’ le 28 avril 1881 et solennellement le 9 mars 1882. Riel commença à s’intéresser à la politique américaine et devint citoyen américain.

Son exil terminé, après une courte visite chez sa mère, il retourna vivre aux États-Unis et devint maître d’école, car il devait travailler pour subvenir aux besoins de sa famille qui comptait maintenant deux enfants.

Bien que bon instituteur, Louis n’était pas heureux. Il avait espéré instruire les Métis et trouvait que ceux-ci faisaient peu de progrès, ne venant en classe que sporadiquement, préférant suivre la chasse.

L’appel à l’aide des Métis et le retour

L’appel à l’aide des Métis

Le 4 juin, à la sortie de la messe à la mission St-Pierre sur la Rivière Sun (Montana), Riel reçut la visite de quatre Métis, Gabriel Dumont, Moïse Ouellette, Michel Dumas et James Isbister. Ils étaient venus demander à Louis de se mettre à la tête des Métis une fois de plus. Ils arrivaient du nord de la Saskatchewan où s’étaient établies bon nombre de familles métisses après 1869.

Ici, ils avaient retrouvé leur mode de vie traditionnel, maintenant menacé par l’arrivée des colons et des immigrants. Leurs frontières disparaissaient de nouveau.

Leurs droits n’étaient plus respectés, leurs terres étaient prises, et le gouvernement n’écoutait pas.

Louis se décida vite. Le rêve qu’il avait entretenu se réalisait, son peuple avait besoin de lui. Après quinze années d’absence, il revenait au Canada.
Ces années l’avaient fortement marqué, car, exilé de son pays natal, poursuivi par des chasseurs de prime, il avait souffert d’une dépression nerveuse. Il voyait maintenant l’occasion de faire valoir ses droits et ceux de ses frères auprès du gouvernement canadien.

Le retour

Avec son épouse et ses deux enfants, Louis partit pour Batoche et y arriva vers le début de juillet 1884. Dès le 8 juillet, six jours après son arrivée, il parla aux Métis. Son programme était modéré et il s’adressait autant aux Autochtones et aux colons blancs qu’aux Métis. Les trois groupes répondirent chaleureusement à sa présence. Chaque groupe gardait son indépendance, mais un comité central fut formé pour formuler des demandes précises à Ottawa.

Il avait été décidé qu’on enverrait des pétitions à Ottawa de la part du peuple, dans l’espoir que le gouvernement écouterait. Plusieurs de ses partisans auraient préféré une action plus vive, car Autochtones et Métis mouraient de faim et les colons européens voulaient que la question des terres soit réglée.

Batoche

Après plusieurs réunions publiques, une pétition fut envoyée à Ottawa le 16 décembre 1884. Elle demandait les titres aux terres déjà occupées par les colons, que les districts de Saskatchewan, d’Assiniboia et d’Alberta deviennent des provinces, que l’on passe des lois pour encourager les Autochtones et les Métis à s’établir, et que les Autochtones soient mieux traités.

Malgré l’appui que recevait Riel de la part des Métis, il existait un sentiment anti-Riel parmi le clergé catholique. Ce dernier craignait son pouvoir et se méfiait de ses croyances religieuses.

Cette opposition poussa Riel à se détacher de plus en plus de son église. Sous la direction du père André, le clergé tenta de déplacer Riel comme chef auprès des Métis, mais sans succès.

Le 11 février 1885, le gouvernement fédéral répondait à la pétition du 16 décembre 1884. Le gouvernement promettait d’établir une commission pour étudier les revendications et les titres des Métis. Le premier pas était de faire le recensement des Métis dans les territoires du Nord-Ouest.

Ces propositions déplurent aux Métis qui espéraient une solution plus rapide à leurs problèmes. Voyant que rien n’avait été accompli à date, Riel demanda aux Métis s’ils désiraient toujours qu’il les guide.

Les Métis, abandonnés de leurs prêtres, réaffirmèrent leur vision de Riel comme chef et prophète.

La Rébellion

La tension se mit à monter au cours de l’hiver de 1885 parmi les tribus autochtones, car ils étaient en proie à la faim et à la maladie, et les agents du gouvernement ne fournissaient pas les ressources nécessaires pour venir à leur secours.

Dès 1885, les Autochtones s’aperçurent que leur condition était semblable à celle des Métis. Il était tout à fait naturel qu’ils se tournent vers Riel.

Le 19 mars, fête de St-Joseph, Riel établit un gouvernement provisoire et prit possession de l’église comme quartier général. Pierre Parenteau en fut le premier président et Gabriel Dumont, l’adjudant-général. Mais après l’établissement du gouvernement provisoire Riel s’aperçut que son autorité faiblissait ; l’église était hostile car le clergé était sans rôle dans la nouvelle nation, les Métis anglophones et les colons refusaient une révolte armée. Riel se retrouvait donc avec les Métis francophones et les Autochtones pour l’appuyer.

Il décida de prendre le Fort Carlton, nécessaire à ses opérations. Il voulait l’occuper sans violence, mais la gendarmerie y renforça sa garnison. Riel ne put donc que négocier ou attaquer. Optant pour la négociation, Riel envoya Charles Nolin et Ambroise Lépine demander au Major Crozier de lui laisser le fort en échange de la liberté de ses soldats. Les négociations n’auront pas le temps de se conclure puisque, le 26 mars, la violence éclate au Lac-aux-Canards.

Le Major Crozier, avec 56 policiers et 41 volontaires, avait quitté le Fort Carlton pour arrêter Riel. Les Métis, sous la direction de Gabriel Dumont, les rencontrèrent au Lac-aux-Canards. Dumont réussit à attirer la troupe dans une vallée où Crozier dut faire halte. Deux cavaliers, Isidore Dumont et Falling Sand, chef cris, partirent à leur rencontre. Croyant qu’ils voulaient parlementer, Crozier les rencontra à mi-chemin accompagné d’un guide nommé McKay. Les quatre hommes s’arrêtèrent au milieu de la vallée où Crozier présenta sa main en signe d’amitié. Falling Sand, croyant à une trahison, tenta d’attraper le fusil de McKay. Ce dernier tira et Isidore Dumont tomba mort.

La bataille du Lac-aux-Canards commença. Quarante minutes plus tard, sa troupe décimée, Crozier battit la retraite. Cette bataille fit 17 morts et plusieurs blessés. Grâce à Riel, ils ne seront pas tous tués car celui-ci empêcha Dumont de poursuivre les soldats. Cette bataille fit comprendre aux Autochtones et Métis que les « Canadians » n’étaient pas invincibles. Bientôt, les cris de guerre et de vengeance retentirent parmi les guerriers autochtones.
Deux cents Cris attaquèrent l’établissement de Battleford et fort Pitt et firent 6 morts. Au Lac-la-Grenouille, Esprit Errant et ses guerriers tuèrent Thomas Quinn, l’agent du gouvernement et deux prêtres, les pères Fafard et Marchand.

L’incident du Lac-la-Grenouille provoqua l’intervention du gouvernement canadien. Jusqu’à date, John A. Macdonald avait pris à la légère les événements dans l’Ouest. L’incident du Lac-la-Grenouille attira vite son attention. Le gouvernement prit deux mesures ; la première fut d’augmenter l’argent donné aux Premières Nations pour la nourriture avec le but de les dissuader de prendre part à la résistance en répondant à leurs besoins primordiaux. La deuxième mesure fut la mobilisation d’une troupe de 5000 hommes sous la direction du général Middleton.

Dix jours après la bataille au Lac-aux-Canards, les troupes étaient à Winnipeg grâce au chemin de fer nouvellement construit. L’armée envoya trois divisions aux endroits troublés en Saskatchewan.

Gabriel Dumont et 350 Métis devaient défendre Batoche. Le seul moyen efficace selon Dumont était la « guerre à l’indienne », c’est à dire attaquer en vitesse sous le coup de la surprise et se replier immédiatement. Riel s’opposa à ce plan. En diplomate, il désirait éviter la violence aussi longtemps que possible dans l’espoir de mener à bien des négociations.

Cette attitude eut des conséquences désastreuses pour les Métis car elle permit à Middleton d’avancer en sécurité jusqu’à Batoche. Dumont décida de lui tendre un piège à l’Anse-aux-Poissons.

Riel et Dumont quittèrent Batoche le 24 avril avec 200 Métis. À leur arrivée à l’Anse-aux-Poissons, Riel changea d’idée et voulut que les Métis retournent à Batoche. À ce moment un messager arriva, annonçant qu’un détachement de la gendarmerie approchait Batoche du côté de Qu’Appelle. Dumont envoya 50 hommes, avec Riel à leur tête, défendre la colonie à Batoche.

La bataille de l’Anse-aux-Poissons sous les ordres de Gabriel Dumont, se termina par une impasse que les Métis considérèrent comme une victoire parce qu’ils avaient empêché les « Canadians » d’avancer.

Pendant ce temps, à Batoche, Riel commençait à douter des décisions qu’il avait prises. Les nouvelles annonçaient l’arrivée de troupes près de Batoche. Désespéré, il demanda l’aide de Faiseur d’Enclos et de Gros Ours ; ils ne devaient pas arriver à temps.

Riel et les Métis capitulent

Middleton, prudent après l’Anse-aux-Poissons, fit halte pendant deux semaines afin de reposer ses hommes. Le 7 mai, il partit pour Batoche accompagné du « Northcote. » Il pensait lancer une attaque de la rivière Saskatchewan.
Les Métis eurent vite fut de désarmer le bateau, mais les troupes du gouvernement étaient trop fortes.

Le 12 mai, quatrième jour de bataille, les Métis furent défaits. La réaction des deux chefs face à cette défaite fut différente. Ils étaient tous deux cachés dans les bois et les ravins autour de Batoche.

Riel, après avoir assuré la sécurité de sa famille, se retira dans les bois pour prier. Il ne tenta pas de s’enfuir. En réponse à Middleton qui lui demandait de se rendre, il répondit qu’il se rendrait pour accomplir la volonté de Dieu, qu’il désirait la liberté de ses conseillers et son peuple. Il se rendrait pour continuer à plaider la cause des Métis.

Après qu’il se fut rendu, Riel fut transporté à Regina. Dumont tenta de reprendre Batoche mais sans succès. Lorsqu’il apprit que Riel s’était rendu, il s’enfuit aux États-Unis avec Michel Dumas.

La révolte était finie. Faiseur d’Enclos se rendit le 23 mai, mais Gros Ours restait toujours en liberté. Il tentait de refaire l’unité qui avait existé sur les plaines.
Le 26 mai, il engagea les hommes du colonel Strange dans une bataille, mais se rendit le 2 juillet, car ses guerriers mouraient de faim et ils n’avaient plus de munitions.

Le procès de Louis Riel

Le 6 juillet 1885, Riel fut accusé de haute trahison.
Le procès commença le 20 juillet, avec Riel plaidant non-coupable.

Ce procès aura des conséquences désastreuses pour Riel et pour le Canada. Le jury était entièrement anglo-saxon et protestant. L’avocat de Riel voulut plaider la folie et l’irresponsabilité de Riel. Riel s’objecta tellement à cette stratégie que ses avocats obtinrent du juge que Riel n’ait pas la permission de parler.

Les avocats n’avaient pas le droit de parler des griefs qui avaient causé la révolte, le juge ayant déclaré que Riel, et non le gouvernement, subissait un procès. Les dépositions des témoins étaient damnables. Ils insistaient que Riel était mentalement instable avant et pendant la révolte.

Vers la fin du procès, Riel reçut la permission de parler. Après une courte prière, il fit la revue des troubles dans le Nord-Ouest, en commençant par les souffrances endurées par son peuple et l’inaction du gouvernement.

Il affirma avec dignité qu’il n’était pas fou, qu’il ne voulait pas être acquitté pour cause de folie. Il ne nia pas avoir été interné auparavant, mais fit remarquer que les médecins l’avaient déclaré guéri.

Est-ce que visions, prophéties et missions signifiaient la folie ? Il termina avec quelques commentaires éloquents au sujet des sacrifices qu’il avait faits et demanda justice.

La mort de Louis Riel

La condamnation

Le 21 juillet, la cour fut ajournée pour laisser le temps aux témoins de se présenter. À compter du 28 juillet, les interrogatoires se poursuivirent jusqu’au 1er août et Riel fut condamné à être pendu le 18 septembre. Alors commença une série d’appels, le premier à la Cour du banc de la Reine du Manitoba, qui, le 2 septembre, confirma la première sentence. L’appel réussit à reculer l’exécution au 16 octobre. Un deuxième appel au Conseil Privé rejeta la demande du condamné et l’exécution fut fixée au 10 novembre. Suite aux pressions émises par l’Ontario et le Québec, Macdonald, indécis de la décision qu’il devait prendre, recula une troisième fois la date d’exécution pour permettre à une commission médicale d’examiner Riel. La date d’exécution fut fixée au 16 novembre, la commission n’ayant pu le déclarer fou. Pendant ce temps, Riel attendait la mort en recevant la visite de sa famille. Le 6 novembre, la date approchant, il rédigea son testament.

La mort de Riel

Dans la nuit du 15 au 16, il écrivit une dernière lettre à sa mère et reçut les derniers sacrements.

À 8 heures du matin, il monta sur l’échafaud pour y être exécuté. Le 19 novembre, un service fut chanté pour le repos de son âme dans l’église St Mary à Regina.

Le 9 décembre, son corps fut transporté à St-Vital où il fut exposé pendant 2 jours dans la demeure de sa mère.

Le 12, une messe de requiem fut chantée dans la Cathédrale de Saint-Boniface et le corps inhumé dans le cimetière de la Cathédrale.

C’est ainsi que vécut et mourut un homme que nous reconnaissons aujourd’hui comme le fondateur du Manitoba, défenseur des droits des Métis et des Canadiens-français.

La Justice, périodique fondé suite à l’exécution de Louis Riel présente la réaction des conservateurs nationaux de Québec.

Bibliographie et lectures suggérées

Bibliographie :

  • Payment, Diane, La famille Riel : Résidence et Mode de vie à St-Vital entre 1860 et 1910 Parcs Canada, (1980).
  • Stanley, George F. G., Louis Riel. Ryerson Press, (1963).
  • Neering, Rosemary, Louis Riel, Collection Célébrités canadiennes, (1977).
  • Stanley, George, F. G. : Louis Riel, Patriot or Rebel, Canadian Historical Association, Historical Booklet 2, (1961).

Lectures suggérées :

  • Dauphinais, Luc, Histoire de Saint-Boniface, (1991).
  • Giraud, Marcel, Le métis canadien, (1945).
  • Martel, Gilles, et, al., Louis Riel, Poésies de jeunesse, (1977).
  • Morice, Adrien G., Dictionnaire historique des Canadiens et des Métis français de l’Ouest, (1908).
  • Payment, Diane, Batoche 1870-1910, (1983).
  • Payment, Diane, ‘Les gens libres-Otipemisiwak’, Batoche (Saskatchewan) 1870-1930, (1990).
  • Siggins, Maggie, Riel, (1994).
  • Trémaudan, Auguste-Henri de, Histoire de la Nation Métisse, (1935).

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